17. JUSTICE SOCIALE

JUSTICE SOCIALE

L’essentiel de la justice sociale, chez Platon, c’est de faire l’unité de la société (République, IV, 423 d). La justice dans les cités imite, autant qu’il est possible, les essences idéales « bien rangées, gardant toujours le même rapport, sans se faire mutuellement aucun tort, disposées par ordre et selon la raison » (VI, 500c) La cité juste nous donne un de ces exemples de multiplicité bien ordonnée ; de ces mixtes, dont c’est l’affaire du dialecticien de découvrir la nature. C’est lorsque l’on saura ce qu’est ce mixte, que l’on pourra déterminer ce qu’est l’âme juste, la justice dans l’âme étant une ordonnance de ses parties, en tout analogue à l’ordonnance des parties de la société, qui constitue la justice sociale. La République se distingue des écrits politiques suivants de Platon, en ce qu’elle insiste davantage sur les conditions de cette unité. Il présente sa recherché sous la forme d’une histoire de la société, exactement comme dans le Timée, les conditions de la stabilité du monde se découvrent dans l’histoire de la formation du monde par un démiurge ; et il arrive que, dans cette histoire, sa vue s’étend bien au delà de la réforme d’une cité grecque, jusqu’aux conditions fondamentales de tout agrégat humain .

La cité naît du besoin et de la découverte du moyen rationnel pour la satisfaire. Ce moyen, c’est la division du travail. Il y a cité, dès qu’il y a réunion de quatre ou cinq personnes qui conviennent de satisfaire chacune un des besoins élémentaires de tous les autres, en nourriture, en vêtement et en logement ; le laboureur qui produit la nourriture de tous, aura en revanche son abri et son vêtement faits par les autres. Chacun, spécialisé dans son métier, produira plus et mieux. La cité, sous sa forme élémentaire, n’est donc pas une réunion d’êtres égaux et semblables, mais au contraire d’êtres inégaux et dissemblables ; elle le restera sous ses plus hautes formes, et c’est ce qui garantira la solidarité de ses parties et son unité (370ab). Les fonctions deviendront plus compliquées, à mesure que la masse de la cité s’accroît et que les besoins se multiplient ; à côté du laboureur, par exemple, il y aura un fabricant spécial de charrues et d’outils agricoles (370c) ; à côté des producteurs se créera la classe de ceux qui font les échanges, des commerçants par terre et par mer (371ab). Mais le principe reste toujours le même. Il reste le même encore, lorsque, dans la cité arrivée à son achèvement, les fonctions se groupent en un petit nombre de classes, la classe des artisans qui s’occupent de satisfaire les besoins matériels, la classe des soldats qui défendent la cité contre ses voisines (373c), la classe des « gardiens » qui sont chargés de faire observer les lois. Ces trois classes représentent les trois fonctions essentielles de toute cité, production, défense, administration intérieure (434c).

Comment ces fonctions seront elles le mieux remplies, c’est là pour Platon l’unique problème social. Il ne peut être question en effet d’utiliser les ressources de la cité pour le bonheur d’un individu ou d’une classe. « Nous fondons la cité, répond Socrate à Adimante qui lui reproche la vie trop dure qu’il fait mener aux « gardiens », non pour qu’une classe ait un bonheur supérieur, mais pour que la cité entière soit heureuse. » L’individu qui fait partie de la cité est fait pour accomplir sa fonction sociale, et non pour autre chose. C’est en quoi consiste la justice ; être juste, c’est accomplir sa fonction propre (434c).