Bastid: Proclo comentador de Platão

Excertos de Paul Bastid, Proclus et le crépuscule de la pensée grecque

Les commentaires de Platon représentent dans l’oeuvre de Proclus la partie la plus volumineuse. Leur importance est grande du point de vue de sa doctrine personnelle, car il ne se borne pas à expliquer la pensée du maître ; il ajoute souvent, en marge du texte, des réflexions qui éventuellement ont peu de rapports avec lui ; et, dans l’interprétation même des théories platoniciennes, son inspiration propre apparaît plus d’une fois ; on n’y saurait chercher un agrandissement exact de l’original.

Au demeurant, Proclus prend la suite des autres exégètes, dont il discute les points de vue, parfois d’une manière obscure, car nous n’avons pas sous les yeux les gloses initiales, et il lui arrive de pecéder par allusions. On a même pu dire qu’il commentait ses prédécesseurs autant que les écrits de Platon.

Il résulte de tout cela une rédaction compacte, qui semble formée de sédiments successifs. L’ensemble laisse une impression de confusion et de désordre, malgré de fréquents efforts pour classer et même numéroter les points à développer. Méthode qui au siècle suivant prendra chez Olympiodore une forme encore plus scolastique. Mais ces efforts se manifestent plus au début de chaque commentaire, où Proclus cherche à mesurer le but et la portée du dialogue et à en indiquer les divisions (procédé attribué par lui à Jamblique) que dans la suite de l’exposé, assez souvent erratique. N’oublions pas non plus sa polixité naturelle, qui fait perdre au besoin le fil des idées et qui ne permet pas toujours de suivre les articulations du dialogue.

Bref, ces commentaires sont la plupart du temps difficiles à lire. En tout état de cause ils ne nous présentent Platon que vu dans l’optique alexandrine, c’est-à-dire plus ou moins infléchi ou déformé. Ils constituent malgré tout des documents précieux pour l’histoire de la philosophie et pour la pensée propre de Proclus. Il y a lieu de les étudier avant ses ouvrages personnels où il s’affranchit de la lettre des textes platoniciens.

Mais dans quel ordre convient-il de le faire ? Nous n’en connaissons pas la chronologie exacte. Doit-on alors distinguer entre les commentaires continus et ceux qui ne contiennent que des observations éparses ? Ce serait sans doute une erreur, car le mode de composition ne suffit pas, vu les habitudes de l’auteur, à établir une différence réelle entre les unes et les autres, aucun d’eux n’échapant à toute dispersion. On serait évidemment tenté de les suivre d’après leur importance. A cet égard, le commentaire sur le Parménide et le commentaire sur le Timée dépassent tous les autres, dans l’esprit même de Proclus. Mieux vaut cependant commencer par le premier Alcibiade, que Jamblique recommandait d’aborder avant le reste, parce qu’il y voyait la première étape d’une initiation à la vie spirituelle, réservant pour la fin le Parménide, qui traite du principe supême. L’Alcibiade est en tout cas le moins difficile des dialogues platoniciens expliqués par Proclus. Nous examinerons ensuite le Cratyle. qui s’occupe de la question particulière du langage, puis la République qui ne fait l’objet que d’annotations partielles plus ou moins spécialisées. Nous passerons enfin aux deux textes fondamentaux, mais en donnant la priorité au Parménide qui porte sur la métaphysique proprement dite par rapport au Timée qui porte sur la nature.