Qu’est-ce donc que la vertu, soit en général, soit en particulier? Pour plus de clarté, considérons une espèce particulière de vertu : c’est le moyen de déterminer facilement ce qui constitue l’essence commune de toutes les vertus.
Si les vertus civiles, dont nous venons de parler, ornent réellement notre âme et la rendent meilleure, c’est parce qu’elles règlent et modèrent nos appétits, qu’elles tempèrent nos passions, qu’elles nous délivrent des fausses opinions, qu’elles nous renferment dans de justes limites, et qu’elles sont elles-mêmes déterminées par une sorte de mesure. Cette mesure, qu’elles donnent à notre âme comme une forme à une matière, ressemble à la mesure des choses intelligibles1 ; c’est comme un vestige de ce qu’il y a là-haut de plus parfait. Ce qui n’a aucune mesure, n’étant que matière informe, ne peut aucunement ressembler à la divinité : car on s’assimile d’autant plus à l’être qui n’a pas de forme qu’on participe plus de la forme ; et on participe d’autant plus de la forme qu’on en est plus proche. C’est ainsi que notre âme, qui par sa nature en est plus proche que le corps, par cela même participe davantage de l’essence divine, et pousse assez loin la ressemblance qu’elle a avec elle pour faire croire que Dieu est tout ce qu’elle est elle-même. C’est de cette manière que les hommes qui possèdent les vertus civiles s’assimilent à Dieu.
Voy. path:/Eneada-I-3-1|Enn. I, liv. III, § 1. ↩