A quel titre donc peut-on dire que les vertus purifient, et comment en nous purifiant nous rapprochent–elles le plus possible de la divinité? L’âme est mauvaise tant qu’elle est mêlée au corps, qu’elle partage ses passions, ses opinions; elle ne devient meilleure et n’entre en possession de la vertu, que lorsqu’au lieu d’opiner avec le corps, elle pense par elle-même (ce qui est la vraie pensée et constitue la prudence), lorsqu’elle cesse de partager ses passions (ce qui est la tempérance), qu’elle ne craint pas d’être séparée du corps (ce qui est le courage), lorsqu’enfin la raison et l’intelligence commandent et sont obéies (ce qui est la justice).
On peut, sans crainte de se tromper, affirmer que la disposition d’une âme ainsi réglée, d’une âme qui pense les choses intelligibles et qui reste impassible, est ce qui constitue la ressemblance avec Dieu : car ce qui est pur est divin, et telle est la nature de l’action divine que ce qui l’imite possède par cela même la sagesse. Mais Dieu a-t-il une pareille disposition? Non : c’est à l’âme seule qu’il appartient d’avoir une disposition. D’ailleurs l’âme ne pense pas les objets intelligibles de la même manière que Dieu: ce qui est en Dieu ne se trouve en nous que d’une manière toute différente ou même ne s’y trouve pas du tout. Ainsi la pensée de Dieu n’est pas identique avec la nôtre. La pensée de Dieu est un premier principe dont la nôtre dérive et diffère. Comme la parole extérieure n’est que l’image de la parole intérieure de l’âme, la parole de l’âme n’est elle-même que l’image de la parole d’un principe supérieur; et comme la parole extérieure parait divisée quand on la compare à la parole intérieure de l’âme, celle de l’âme, qui n’est que l’interprète de la parole intelligible, est divisée par rapport à celle-ci. C’est ainsi que la vertu appartient à l’âme sans appartenir ni à l’Intelligence absolue, ni au principe supérieur à l’Intelligence.