(I-V) Pour savoir si l’âme est immortelle, il faut examiner si elle est indépendante du corps.
A. L’ÂME N’EST PAS CORPORELLE.
1° Ni une molécule matérielle ni une agrégation de molécules matérielles ne sauraient posséder la vie et l’intelligence. 2° Une agrégation d’atomes ne pourrait former un tout qui fût un et sympathique à lui-même. 3° Tout corps est composé d’une matière et d’une forme, tandis que l’âme est une substance simple. 4° L’âme n’est pas une simple manière d’être de la matière, parce que la matière ne saurait se donner à elle-même une forme. 5° Aucun corps ne subsisterait sans la puissance de l’Âme universelle. 6° Si l’âme est autre chose que la simple matière, elle doit constituer une forme substantielle. 7° Le corps exerce une action uniforme, tandis que l’âme exerce une action très diverse. 8° Le corps n’a qu’une seule manière de se mouvoir, tandis que l’âme a des mouvements différents. 9° L’âme, étant toujours identique, ne peut, comme le fait le corps, perdre des parties ni s’en adjoindre. 10° Étant une et simple, elle est tout entière partout, et elle a des parties identiques au tout; il n’en est pas de même du corps.
(VI-VIII) 11° Le corps ne saurait posséder ni la sensation, ni la pensée, ni la vertu. — (Impossibilité pour le corps de sentir.) Le sujet qui sent doit être un, inétendu, pour percevoir l’objet sensible tout entier à la fois, pour être le centre auquel viennent aboutir toutes les sensations qu’il compare et qu’il juge. Si l’âme était corporelle, elle devrait avoir autant de parties que l’objet sensible et percevoir une infinité de sensations; de plus, chaque sensation serait une empreinte matérielle, ce qui rendrait la mémoire impossible. On peut en dire autant des affections : dans la douleur, il y a la souffrance qui est propre au corps, et le sentiment de cette souffrance qui appartient à l’âme; ce sentiment n’est pas transmis de proche en proche (comme l’enseignent les Stoïciens), mais produit instantanément, par conséquent, il suppose l’unité du principe qui sent. — (Impossibilité pour le corps de penser.) L’âme pense : or, la pensée de l’intelligible, qui est indivisible et incorporel, suppose un sujet de même nature. — (Impossibilité pour le corps de posséder la vertu.) La Beauté et la Justice, n’ayant pas d’étendue, ne peuvent être conçues et gardées que par un principe indivisible. Si l’âme était corporelle, les vertus, telles que la prudence, la justice, le courage, ne seraient plus qu’une certaine disposition du sang ou du souffle vivant ; or, une pareille hypothèse est inadmissible.
12° Les corps n’agissent que par des puissances incorporelles qu’ils tiennent de l’âme. Celle-ci doit donc être elle-même une force incorporelle. 13° L’âme pénètre le corps tout entier, tandis qu’un corps tout entier ne peut pénétrer un autre corps tout entier. 14° Si (comme le prétendent les Stoïciens) l’homme était d’abord une habitude, puis une âme, enfin une intelligence, le parfait naîtrait de l’imparfait, ce qui est impossible.
B. L’ÂME N’EST PAS L’HARMONIE NI L’ENTÉLÉCHIE DU CORPS.
L’âme n’est pas l’harmonie du corps : car l’harmonie est un effet ; elle suppose donc une cause ; or cette cause n’est autre que l’âme.
L’âme n’est pas non plus l’entéléchie du corps naturel, organisé, qui a la vie en puissance. En effet, cette hypothèse soulève une foule de difficultés. D’abord, la pensée pure suppose un principe séparé du corps. Ensuite, le souvenir de la sensation, à moins d’être assimilé à une empreinte corporelle, doit être conçu comme indépendant de l’organisme. Enfin, les fonctions même de la vie végétative ne sauraient s’expliquer par une force complètement inséparable de la matière qu’elle façonne.
C. L’ÂME EST UNE ESSENCE INCORPORELLE ET IMMORTELLE.
(IX-X) Puisque l’âme n’est ni un corps ni une manière d’être d’un corps, et qu’elle est cependant le principe de la force active, il faut admettre qu’elle est une essence véritable, qui donne au corps le mouvement et la vie parce qu’elle se meut elle-même et qu’elle possède la vie par elle-même. Elle est donc immortelle. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer l’affinité qu’elle a avec la nature divine et éternelle, lorsque, se séparant du corps, elle s’applique à penser et s’élève à Dieu.
(XI-XII) La vie suppose un principe, et ce principe doit être impérissable : sans cela, il n’y aurait plus dans l’univers qu’une suite de phénomènes sans cause réelle. Si l’on veut que l’Âme universelle soit seule immortelle, tandis que l’âme humaine serait périssable, on avance une chose impossible : car, l’âme humaine étant un acte un, simple, indivisible, inaltérable, ne saurait périr par décomposition, division ou altération.
(XIII) Pure et impassible tant qu’elle reste dans le monde intelligible, l’âme déchoit uns doute quand elle vient ici-bas façonner une portion de la matière à l’image des idées qu’elle a contemplées là-haut ; amis, alors mime, par son intelligence, elle demeure encore impassible et indépendante du corps.
(XIV) L’âme n’est pas composée quoiqu’on y distingue plusieurs parties : car, lorsqu’elle se sépare du corps, elle ramène à elle les puissances qu’elle avait produites pour lui communiquer la vie.
Les âmes qui animent les corps des brutes sont également impérissables, quelle que soit leur nature.
(XV) Aux preuves précédentes, qui s’adressent uniquement à la raison, on peut, si on le désire, joindre des preuves historiques, comme les rites observés envers ceux qui ne sont plus, les réponses des oracles, etc.