L’objet de ce livre est de démontrer que toute production, toute action suppose une pensée. Pour produire, la Nature contemple les raisons séminales contenues dans l’Âme universelle, l’Âme universelle contemple les idées de l’Intelligence, et l’Intelligence contemple la puissance de l’Un.
(I-III) Pour produire, il ne faut à la Nature que la matière qui reçoit la forme. Dès qu’elle possède la matière, elle lui donne la forme sans le secours d’aucun instrument, parce qu’elle est une puissance qui meut sans être mue elle-même, c’est-à-dire une raison séminale. Étant une raison, la Nature est une contemplation. Sans doute, elle ne se contemple pas elle-même et elle ne délibère pas; son action n’en est pas moins une contemplation, parce qu’elle réalise une pensée. Seulement, la contemplation silencieuse et calme qui est propre à la Nature est inférieure è la pensée dont elle procède et qu’elle réalise : car l’action implique toujours faiblesse d’intelligence.
(IV) Placée au-dessus de la Nature, l’Âme universelle, par sa partie supérieure, contemple l’Intelligence divine, et, par sa partie inférieure, engendre un acte qui est l’image de sa contemplation ; mais, dans cette procession, la contemplation qui est engendrée est nécessairement inférieure à celle qui l’engendre.
(V) Toute action a pour origine et pour fin sa contemplation. On agit toujours en vue du bien, on veut le posséder, ce qui ramène l’action à la contemplation. Plus on a la confiance de posséder le bien, plus la contemplation est tranquille, plus elle s’approche de l’acte où la contemplation et l’objet contemplé ne font qu’une seule et même chose.
(VI) Dans le monde sensible comme dans le monde intelligible, tout dérive de la contemplation, tout y aspire. Si les animaux engendrent, c’est parce qu’une raison séminale agit en eux et les pousse à réaliser une pensée en donnant une forme à la matière. Les défauts de l’œuvre tiennent à l’imperfection de la contemplation.
(VII) Puisque la contemplation s’élève par degrés, de la Nature à l’Âme, de l’Âme à l’Intelligence, il y a autant d’espèces de vie qu’il y a d’espèces de pensée. La pensée et la vie s’identifient de plus en plus à mesure qu’elles se rapprochent de l’Un et du Bien, qui est leur commun principe. La Vie suprême est l’Intelligence suprême, dans laquelle l’intellection et l’intelligible ne font qu’une seule et même chose.
(VIII-X(9)) Comme l’intelligence et l’intelligible, quoiqu’ils soient identiques dans l’existence, forment cependant deux termes pour la pensée, ils supposent au-dessus d’eux un principe absolument simple, l’Un, le Bien, qui est supérieur à l’Intelligence, et que nous ne connaissons point par la pensée, mais au moyen de ce que nous avons reçu de lui en y participant. Ce principe n’est pas toutes choses, il est au-dessus de toutes choses : il est la source de tous les êtres, la racine de ce grand arbre qui est l’univers. Chaque chose a pour principe une unité plus ou moins simple : en remontant d’unité en unité, on arrive à une unité absolument simple, au-delà de laquelle il n’y a plus rien à chercher, parce qu’elle est le principe, la source et la puissance de tout. Elle ne peut être saisie que par une intuition absolument simple. Sa grandeur se manifeste par les êtres qui en procèdent ; c’est d’elle que l’Intelligence tient sa plénitude.