Bouillet: Tratado 52 (II, 3) – DE L’INFLUENCE DES ASTRES

(§ I) Il est des hommes qui prétendent que les astres ne se bornent pas à annoncer les événements, mais que leur influence produit tout. Selon eux, pour expliquer tout ce qui arrive à un individu, il suffit de considérer dans le ciel cinq choses : les maisons, les signes du zodiaque, les planètes, les aspects et les étoiles.

(§ II-VII) Si les astres sont inanimés, ils ne peuvent exercer qu’une influence physique, par exemple, produire de la chaleur ou du froid. S’ils sont animés, ils doivent, en vertu de leur nature divine, ne pas nuire aux hommes qui n’ont rien fait pour s’attirer leur colère ; ils doivent encore, toujours en vertu de leur nature divine, n’éprouver aucune modification dans leur manière d’être par l’effet des aspects et des maisons. Les raisonnements que les astrologues font à ce sujet impliquent des contradictions étranges et conduisent à attribuer aux dieux les plus indignes passions.

En considérant l’Univers dans son ensemble, on voit qu’il constitue un vaste organisme, que tous les êtres sont des parties de ce Tout, et, par la sympathie qui les unit les uns aux autres, y constituent une harmonie unique. Les astres sont, comme tout le reste, subordonnés à la Puissance de l’Âme universelle qui gouverne l’Univers. En même temps qu’ils concourent par leur mouvement à la conservation de l’Univers, ils y remplissent un autre rôle : par les figures qu’ils forment, ils annoncent les événements en vertu des lois de l’analogie. La raison en est que, l’Univers étant un animal un et multiple, tout y est coordonné, tout conspire à un but unique ; par conséquent, en vertu de cette liaison naturelle, chaque chose est signe d’une autre.

(VIII-X) L’Univers étant un animal un suppose un principe unique. Ce principe unique est l’Âme universelle qui fait régner dans l’univers l’ordre et la justice : l’ordre, parce qu’elle donne à chaque être un rôle conforme à sa nature ; la justice, parce qu’elle punit ou récompense les hommes par les conséquences naturelles de leurs actions. En effet, nous renfermons en nous deux puissances différentes, l’âme raisonnable et l’âme irraisonnable. Quand nous développons les facultés de l’âme raisonnable qui nous constitue essentiellement, alors nous nous affranchissons des passions par la vertu, nous nous élevons au monde intelligible par la contemplation, et nous sommes véritablement libres. Quand, au contraire, nous exerçons les facultés de l’âme irraisonnable plus que l’intelligence et la raison, alors nous nous égarons dans le monde sensible et nous sommes soumis à la fatalité, c’est-à-dire à l’action qu’exercent sur nous les circonstances extérieures, par conséquent, à l’influence des astres ; dans ce cas, nous partageons les passions du corps.

(XI-XII) Les maux que l’on voit ici-bas ne proviennent pas de la volonté des astres ; ils ont des causes diverses, telles que l’action des êtres les uns sur les autres, la résistance de la matière à la forme, etc. La génération de l’homme ne s’explique pas non plus par l’influence seule des astres ; il faut y tenir compte du rôle des parents, des circonstances extérieures, de l’action de l’Âme universelle.

(XIII-XVI) Si l’on veut remonter au principe général de toutes les choses qui arrivent ici-bas, il faut dire : L’Âme gouverne l’Univers par la Raison, comme chaque animal est gouverné par la raison séminale qui façonne ses organes et les met en harmonie avec le tout dont ils sont des parties. Les raisons séminales de tous les êtres étant contenues dans la Raison totale de l’univers, il en résulte que tous les êtres sont à la fois coordonnés entre eux, parce qu’ils forment par leur concours la vie totale de l’univers, et subordonnés les uns aux autres, parce qu’ils occupent un rang plus ou moins élevé selon qu’ils sont animés ou inanimés, raisonnables ou irraisonnables. La richesse et la pauvreté, la beauté et la laideur, etc., proviennent du concours des circonstances extérieures et des causes morales. C’est sous ce rapport que l’homme est soumis à la fatalité ; il s’en affranchit, quand il exerce les facultés qui le constituent essentiellement. Pour bien comprendre ce point, il faut résoudre les questions suivantes : 1° Qu’est-ce que séparer l’âme du corps ? 2° qu’est-ce que l’Animal ? qu’est-ce que l’Homme ? Elles seront discutées ailleurs (Eneada-I-1).

Le rôle que la puissance de l’Âme joue dans l’univers donne lieu à plusieurs questions. On peut les résoudre par le développement du principe suivant : L’Âme gouverne l’univers par la Raison. Comme la raison séminale de chaque individu comprend tous les modes de l’existence du corps qu’elle anime, et que la Raison totale de l’univers comprend les raisons séminales de tous les individus, il en résulte que gouverner l’univers par la Raison c’est, pour l’Âme, faire arriver à l’existence et développer successivement dans le monde sensible toutes les raisons séminales contenues dans la Raison totale de l’univers. Pour cela, elle n’a pas besoin de raisonner. Il lui suffit d’un acte d’imagination par lequel, tout en demeurant en elle-même, elle produit à la fois la matière et les raisons séminales qui, en façonnant la matière, constituent tous les êtres vivants. De là vient que toutes choses forment un ensemble harmonieux, et que même ce qui est moins bon concourt à la perfection de l’univers[19].

(XVII-XVIII) L’Âme universelle comprend deux parties analogues aux deux parties de l’âme humaine : ce sont la Puissance principale de l’Âme et la Puissance naturelle et génératrice. La Puissance principale de l’Âme contemple l’Intelligence divine et conçoit ainsi les idées ou formes pures dont l’ensemble constitue le monde intelligible. La Puissance naturelle et génératrice reçoit de la Puissance principale de l’Âme les idées sous la forme de raisons séminales, dont l’ensemble constitue la Raison totale de l’univers ; elle transmet ces raisons à la matière, et donne ainsi naissance à tous les êtres. Il en résulte que le monde sensible est fait à la ressemblance du monde intelligible, et que c’est une image qui se forme perpétuellement.