(I) La perfection que l’on découvre dans l’âme considérée en elle-même conduit à chercher comment elle a pu descendre dans un corps. Héraclite, Empédocle, Platon lui-même ne se sont pas expliqués sur ce point avec assez de clarté. Il reste donc encore à faire une étude attentive et complète de la question.
(II) L’Âme universelle demeure impassible en s’unissant an monde parce que le corps du monde est parfait : elle le gouverne avec une autorité royale, par des lois générales, sans éprouver de peine ni de fatigue, sans être détournée de la contemplation des essences intelligibles. Il n’en est pas de même de l’âme particulière que son commerce avec le corps détourne des conceptions de l’intelligence et expose à la douleur.
(III) La descente des âmes particulières sur la terre est une des lois de l’univers. En effet, de même que l’Intelligence universelle enveloppe la pluralité des intelligences particulières ; de même, l’unité de l’Âme universelle contient la pluralité des âmes particulières, dont la destinée est de vivifier et de gouverner les corps, afin que le monde intelligible manifeste et développe toutes les puissances qu’il possède.
(IV-V) Tant que l’âme particulière se borne à exercer sa puissance intellectuelle, elle reste unie à l’Âme universelle. Quand elle développe ses puissances sensitive et végétative, elle entre dans un corps et elle en partage les infirmités ; elle peut cependant remonter au monde intelligible. Par là, on peut concilier les opinions diverses énoncées précédemment (§ I) : la descente de l’âme dans le corps n’est ni spontanée ni involontaire; elle résulte d’une loi providentielle qui n’abolit pas la liberté; elle n’est pas un mal en soi, puisqu’elle donne aux âmes l’occasion de développer leurs facultés, de les faire passer de la puissance à l’acte (§ 2) ; elle n’est un mal que pour celles qui s’attachent au corps et oublient leur céleste origine. Dans ce cas, ces âmes sont soumises à un jugement et à un châtiment qui a pour but de les purifier.
(VI-VIII) C’est une loi universelle que toute puissance produise en raison même de sa perfection et de sa fécondité. C’est ainsi que, par une procession successive, l’Un engendre l’Intelligence, l’intelligence engendre l’Âme, et ainsi de suite, jusqu’à ce que les dernières limites du possible soient atteintes et que chaque chose participe du Bien autant que le comporte sa nature particulière. C’est en vertu de cette loi que l’âme particulière vient ici-bas pour manifester ses puissances et apprendre à mieux apprécier la félicité du monde intelligible par l’épreuve des contraires. Dans sa procession, elle se communique aux choses inférieures tout en conservant son intégrité; à quelque rang qu’elle s’abaisse, elle ne descend jamais dans le corps tout entière, elle reste toujours unie à l’Intelligence par sa partie supérieure. Il y a en effet en nous deux parties, dont l’une contemple l’Intelligence, et l’autre dirige notre corps : nous avons successivement conscience de chacune d’elles, en appliquant notre attention à ses actes.