Chambry: Lachès IV

LYSIMAQUE: IV. — Il faut le dire, Socrate et vous, Nicias et Lachès, les gens de mon âge ne connaissent pas les jeunes générations ; car la vieillesse nous retient la plupart du temps au logis. Mais toi, fils de Sophronisque, si tu as quelque bon conseil à donner à un homme qui est du même dème que toi, il faut me le donner, et ce sera justice, parce que l’amitié qui me liait à ton père fait que tu es aussi notre ami ; car nous avons toujours été, ton père et moi, camarades et amis, et il est mort avant que nous ayons eu ensemble le moindre différend. Et puis il me revient à la mémoire des propos que j’ai entendu récemment tenir à ces jeunes gens ; en effet ils ont souvent fait mention de Socrate en causant entre eux chez moi, et ils ne lui ménagent pas les éloges. Mais je ne leur ai jamais demandé si c’était du fils de Sophronisque qu’ils parlaient. Dites-moi donc, mes enfants, le Socrate que voici est-il celui dont vous avez mentionné le nom si souvent ?

LES ENFANTS

Oui, père, c’est bien lui.

LYSIMAQUE: C’est bien, par Héra, Socrate, de faire ainsi honneur à ton père, le meilleur des hommes. C’est un motif de plus pour que nous épousions tes intérêts et toi les nôtres.

LACHÈS: Eh ! Lysimaque, ne lâche pas encore notre homme. Je l’ai vu ailleurs, moi, faire honneur non seulement à son père, mais encore à sa patrie. Dans la déroute de Délion, il a fait retraite à mes côtés et je t’assure que, si les autres avaient voulu se comporter comme lui, notre ville aurait gardé la tête haute et n’aurait pas fait une telle chute.

LYSIMAQUE: Voilà certes, Socrate, un bel éloge, et il te vient d’hommes dignes de foi, particulièrement sur le sujet pour lequel ils te louent. Sois assuré que c’est un grand plaisir pour moi d’apprendre que tu jouis d’une belle réputation, et crois que je te suis tout dévoué. Tu aurais dû de toi-même fréquenter plus tôt notre maison et nous tenir pour tes amis, comme il était juste. En tout cas, à partir d’aujourd’hui, puisque nous avons renoué connaissance, réponds à mon invitation ; fais société avec nous, lie-toi avec nous et avec ces jeunes gens, pour que notre amitié se conserve en vous. Voilà ce que tu dois faire et nous te le rappellerons à l’occasion. Mais que dites-vous de la question que nous avons posée d’abord ? Quel est votre avis ? Convient-il, oui ou non, que les jeunes gens apprennent à combattre tout armés ?