SOCRATE: IX. — Comment ! Lysimaque ; est-ce l’avis du parti qui aura la majorité que tu veux suivre ?
LYSIMAQUE: Comment faire autrement, Socrate ?
SOCRATE: Et toi, Mélèsias, es-tu dans les mêmes dispositions ? Si la délibération roulait sur la gymnastique et les exercices à faire faire à ton fils, t’en rapporterais-tu à la majorité, ou à celui qui aurait étudié et se serait entraîné sous un bon pédotribe ?
MÉLÈSIAS: A ce dernier, Socrate ; cela va sans dire.
SOCRATE: N’aurais-tu pas plus de confiance en lui qu’en nous quatre ?
MÉLÈSIAS: Sans doute.
SOCRATE: M’est avis que c’est par la science et non par le nombre qu’il faut juger, si l’on veut être bon juge.
MÉLÈSIAS: Sans aucun doute.
SOCRATE: Donc, dans le cas présent aussi, il faut commencer par chercher s’il y a, ou non, parmi nous quelqu’un qui soit expert dans la matière que nous discutons ; et s’il y en a un, c’est celui-là, fût-il seul, qu’il faut écouter, et laisser là les autres ; sinon, il faut chercher ailleurs. Croyez-vous, Lysimaque et toi, que l’enjeu soit ici sans importance ? N’est-ce pas le plus grand de vos biens que vous risquez ? Selon que les fils deviennent bons ou mauvais, la maison de leur père sera bien ou mal gouvernée : tout dépend de ce que l’éducation aura fait d’eux.
MÉLÈSIAS: C’est juste.
SOCRATE: Cela demande donc beaucoup de prévoyance.
MÉLÈSIAS: Certainement.
SOCRATE: Comment donc, pour en revenir au cas dont je parlais tout à l’heure, faudrait-il procéder, si nous voulions savoir quel est celui d’entre nous qui est le plus entendu à la lutte ? Ne serait-ce pas celui qui l’a étudiée et pratiquée et qui a eu de bons maîtres pour la lui enseigner ?
MÉLÈSIAS: Il me le semble.
SOCRATE: Et avant cela, ne chercherons-nous pas quel est cet art pour lequel nous voulons des maîtres ?
MÉLÈSIAS: Que veux-tu dire ?