Chambry: Lachès VIII

VIII. — Je répète donc ce que j’ai dit en commençant que ce soit une science, mais de si peu d’utilité, ou que ce ne soit pas une science, bien qu’on prétende et qu’on feigne que c’en est une, elle n’a pas assez de prix pour qu’on se donne la peine de l’étudier. Je suis persuadé pour ma part qu’un lâche qui croirait la connaître et en prendrait plus d’assurance n’en montrerait que mieux sa lâcheté, et qu’un brave, observé par les spectateurs, ne pourrait commettre la moindre faute sans s’exposer aux méchants propos ; car on provoque l’envie quand on professe une telle science, en sorte que celui qui n’a pas sur les autres une prodigieuse supériorité de courage, ne saurait échapper au ridicule, du moment qu’il prétend posséder cette science.

Voilà mon opinion, Lysimaque, sur l’intérêt que présente cette science. Mais, comme je le disais au commencement, il ne faut pas laisser partir Socrate, ici présent, mais le prier de nous donner son avis sur la question qui nous est proposée.

LYSIMAQUE: Eh bien, je t’en prie, Socrate, car notre conseil me paraît avoir encore besoin d’un arbitre pour nous départager. Si Nicias et Lachès avaient été du même avis, nous en aurions eu moins besoin ; mais, comme tu le vois, Lachès a voté tout autrement que Nicias. Il est donc à propos de t’entendre, pour savoir à qui des deux tu donnes ton suffrage.