LACHÈS: XVII. — Par Zeus, Socrate, ce n’est pas difficile à dire. Quand un homme est déterminé à faire tête à l’ennemi en gardant son rang, sans prendre la fuite, sois sûr que c’est une homme courageux.
SOCRATE: C’est bien dit, Lachès : mais peut-être est-ce moi qui, en m’expliquant peu clairement, suis cause que tu m’as répondu autre chose que ce que je pensais te demander.
LACHÈS: Que veux-tu dire, Socrate ?
SOCRATE: Je vais te l’expliquer, si je puis. Sans doute c’est un brave que celui dont tu parles, qui, ferme à son poste, combat l’ennemi.
LACHÈS: Oui, je l’affirme.
SOCRATE: Et moi aussi. Mais que dire de celui qui combat l’ennemi en fuyant, au lieu de rester à son poste ?
LACHÈS: Comment, en fuyant ?
SOCRATE: Comme les Scythes, par exemple, qui, dit-on, combattent tout aussi bien en fuyant qu’en chargeant. De même Homère, voulant louer les chevaux d’Énée, a dit quelque part qu’ils savaient poursuivre et fuir également vite dans les deux sens, et à Énée lui-même il a donné précisément cet éloge qu’il était habile à fuir, et dit qu’il savait prévoir la fuite.
LACHÈS: Et avec raison, Socrate ; car il parlait de chars, comme toi, tu parles des cavaliers scythes. La cavalerie des Scythes combat en effet de cette manière, mais la grosse infanterie des Grecs, comme je le dis.
SOCRATE: Excepté peut-être celle des Lacédémoniens, Lachès ; car on rapporte qu’à Platées, quand ils se trouvèrent devant les gerrophores, ils ne jugèrent pas à propos de les combattre de pied ferme, mais qu’ils prirent la fuite ; puis, quand les rangs des Perses furent rompus, qu’ils firent volte-face, et, par cette manoeuvre imitée de la cavalerie, gagnèrent la bataille.
LACHÈS: C’est exact.