SOCRATE: XXI. — Alors nous ne réalisons pas sans doute, toi et moi, cet accord dorien dont tu parlais, Lachès ; car nos actes ne sont pas en harmonie avec nos paroles, puisque, d’après nos actions, on pourrait, semble-t-il, croire que nous avons part au courage, tandis que, d’après nos discours, on ne le pourrait pas, je crois, si on nous entendait discourir.
LACHÈS: Rien n’est plus vrai que ce que tu dis.
SOCRATE: Que penses-tu de l’état où nous voilà réduits ? Te paraît-il beau ?
LACHÈS: Pas du tout.
SOCRATE: Alors veux-tu que nous nous conformions au discours que nous avons tenu, en un point du moins ?
LACHÈS: En quel point et à quel discours ?
SOCRATE: Au discours qui nous invite à montrer de la fermeté. Si donc tu le veux bien, persistons avec fermeté dans notre recherche, afin que le courage lui-même ne nous raille pas de le chercher si peu courageusement, s’il est vrai que parfois la fermeté se confond avec le courage.
LACHÈS: Pour ma part, Socrate, je suis disposé à persévérer, quoique je n’aie pas l’habitude de tels discours. Mais l’envie de disputer sur cette question m’a saisi et je sens une véritable impatience d’être si impuissant à exprimer ce que je pense. Il me semble que je conçois bien ce qu’est le courage ; mais je ne sais comment il s’est fait tout à l’heure que l’idée m’en est échappée, au point que je n’ai pu ni la formuler ni la définir.
SOCRATE: Eh bien, mon cher, un bon chasseur ne doit-il pas poursuivre sans lâcher prise ?
LACHÈS: Assurément.
SOCRATE: Veux-tu que nous appelions Nicias à prendre part à la chasse ? Peut-être aura-t-il plus d’idée que nous.
LACHÈS: Si je le veux ? mais certainement.