Chambry: Lachès XXIV

NICIAS: XXIV. — Celui que je dis, mon excellent ami, beaucoup plus que le devin ; car l’office du devin se borne à distinguer les signes de ce qui doit arriver à quelqu’un, soit la mort, soit la maladie, soit la perte de ses biens, soit la victoire ou la défaite à la guerre ou dans tout autre genre de lutte. Mais laquelle de ces choses il est préférable de souffrir ou de ne pas souffrir, pourquoi serait-ce au devin à en juger plutôt qu’à n’importe qui ?

LACHÈS: Pour moi, Socrate, je ne comprends pas ce qu’il veut dire ; car il n’y a ni devin, ni médecin, ni personne autre qu’il puisse nous désigner comme étant courageux, à moins qu’il ne veuille parler de quelque dieu. Aussi, pour ma part, je suis convaincu que Nicias ne veut pas avouer bravement qu’il ne dit rien qui vaille et qu’il se tourne et retourne en tous sens pour cacher son embarras. Nous aurions pu tout à l’heure nous aussi, toi et moi, nous trémousser comme lui, si nous avions voulu dissimuler nos contradictions. Si nous étions devant un tribunal, nous aurions quelque raison d’agir ainsi ; mais, dans une compagnie comme la nôtre, à quoi bon se faire valoir inutilement par des mots vides de sens ?

SOCRATE: C’est un procédé qui ne me plaît pas non plus, à moi, Lachès. Mais prenons garde : Nicias croit sans doute à la vérité de ce qu’il dit et ce n’est pas pour parler qu’il soutient cette opinion. Questionnons-le donc avec plus de précision sur sa pensée, et, si nous trouvons qu’il ait raison, nous nous rangerons à son avis ; sinon, nous tâcherons de l’éclairer.

LACHÈS: Interroge-le donc, Socrate, si cela te fait plaisir. Moi je l’ai, ce me semble, interrogé suffisamment.

SOCRATE: Je n’y vois pas d’inconvénient ; car je l’interrogerai à la fois pour toi et pour moi.

LACHÈS: Entendu.