SOCRATE: XXIX. — Ainsi, Nicias, tu n’as guère répondu que sur le tiers du courage, alors que nous t’interrogions sur la nature du courage tout entier. Et maintenant il résulte de ce que tu dis que le courage n’est pas seulement la science de ce qui est à craindre et de ce qui ne l’est pas, mais plutôt celle de tous les biens et de tous les maux en toutes circonstances, si l’on en juge par ce que tu dis à présent. Est-ce bien là ta nouvelle opinion, Nicias ? qu’en dis-tu ?
NICIAS: Elle me paraît s’imposer, Socrate.
SOCRATE: Mais alors, mon merveilleux ami, crois-tu qu’il ne posséderait pas la vertu tout entière, l’homme qui connaîtrait tous les biens et saurait parfaitement comment ils arrivent, arriveront, ou sont arrivés, et connaîtrait de même tous les maux ? Et crois-tu qu’il manquerait de sagesse, de justice et de piété, cet homme qui, dans ses rapports avec les dieux et avec les hommes, aurait seul le don d’être toujours sur ses gardes à l’égard de ce qui est à craindre ou ne l’est pas et de se procurer des biens, parce qu’il saurait se comporter comme il faut avec eux ?
NICIAS: Ce que tu dis là, Socrate, me paraît assez juste.
SOCRATE: Ce n’est donc pas, Nicias, d’une partie de la vertu que tu parles à présent, mais de la vertu tout entière.
NICIAS: Il le semble.
SOCRATE: Cependant nous avons dit que le courage n’est qu’une partie de la vertu.
NICIAS: Nous l’avons dit en effet.
SOCRATE: Mais ce que nous disons maintenant n’est évidemment pas cela.
NICIAS: Il ne le semble pas.
SOCRATE: Nous n’avons donc pas trouvé, Nicias, ce que c’est que le courage.
NICIAS: Evidemment non.
LACHÈS: Je croyais pourtant bien, cher Nicias, que tu ne manquerais pas de le trouver, toi qui traitais avec tant de mépris mes réponses à Socrate, et j’avais grand espoir que tu en viendrais à bout, grâce à la science que tu tiens de Damon.