Chambry: Lachès XXX

NICIAS: XXX. — C’est bien fait à toi, Lachès, de croire encore que ce n’est rien d’avoir paru tout à l’heure absolument ignorant de ce qu’est le courage. Ce à quoi tu tiens, c’est que je montre la même ignorance que toi, et peu t’importe, je le vois, d’ignorer avec moi des choses que devrait savoir tout homme qui pense être quelqu’un. Et sans doute tu ne fais rien en cela qui ne soit bien humain : tu regardes les autres et tu oublies de te regarder toi-même. Quant à moi, je crois m’être aujourd’hui assez bien expliqué sur la question et, si j’ai commis quelque erreur, j’espère bien la corriger dans la suite avec l’aide de Damon, dont tu crois bon de te moquer, sans même le connaître de vue, et avec le secours de beaucoup d’autres. Quand j’aurai affirmé mes connaissances, je t’en ferai part et ne t’en cacherai aucune ; car tu me parais avoir grand besoin de t’instruire.

LACHÈS: Tu es un savant, toi, Nicias. Néanmoins je conseille à Lysimaque et à Mélèsias, en ce qui concerne l’éducation de leurs enfants, de nous laisser de côté, toi et moi, mais de retenir Socrate, comme je l’ai dit d’abord, et, si mes enfants étaient en âge, c’est juste cela que je ferais.

NICIAS: Sur ce point, je suis de ton avis : si Socrate consent à s’occuper de ces jeunes gens, il ne faut point chercher d’autre maître. Aussi bien je lui confierais très volontiers Nicèratos, s’il le voulait bien ; mais chaque fois que je lui en parle, il me présente quelque autre et lui-même se dérobe. Mais vois, Lysimaque, si Socrate t’écoutera mieux que moi.

LYSIMAQUE: Ce serait justice, Nicias ; car, de mon côté, je suis prêt à faire pour lui bien des choses que je ne ferais pas pour bien d’autres. Qu’en dis-tu, Socrate ? M’écouteras-tu et nous aideras-tu à rendre ces jeunes gens les meilleurs possible ?