VII. — En entrant, nous avons trouvé Protagoras qui se promenait dans le portique, accompagné d’un côté de Callias, fils d’Hipponicos, de son frère utérin, Paralos fils de Périclès, et de Charmide, fils de Glaucon ; de l’autre côté, de l’autre fils de Périclès, Xanthippe, de Philippide fils de Philomélos, d’Antimoiros de Mendè, le plus renommé des disciples de Protagoras, qui étudie pour faire le métier de sophiste ; derrière eux, tendant l’oreille pour écouter, marchait une troupe de gens où dominaient évidemment les étrangers que Protagoras amène de chacune des villes par où il passe : il les charme de sa voix, comme Orphée, et, enchantés par cette voix magique, ils s’attachent à ses pas ; il y avait aussi des gens d’ici dans le choeur. En voyant ce choeur, j’ai pris plaisir à observer avec quelle déférence ils évitaient de gêner Protagoras, en se trouvant devant lui ; toutes les fois qu’il se retournait avec sa compagnie, toute la suite des écouteurs s’écartait à droite et à gauche dans un ordre parfait, et, se rangeant en cercle, se replaçait chaque fois derrière lui avec un ensemble admirable.
Après lui, j’avisai pour me servir de l’expression d’Homère, Hippias d’Elis, assis dans la galerie du fond, sur un siège élevé ; autour de lui, sur des bancs, étaient assis Eryximaque fils Eryximaque, Phèdre de Myrrhinunte, Andron, fils d’Androtion, des concitoyens d’Hippias et quelques autres étrangers ; ils semblaient questionner Hippias sur la nature et les phénomènes astronomiques, et lui, du haut de son siège, tranchait et débrouillait les difficultés que chacun lui soumettait.
En ce moment mes yeux s’arrêtèrent aussi sur Tantale, c’est-à-dire Prodicos de Céos ; car il était bien présent ; il était dans une chambre qui auparavant servait de cellier à Hipponicos, mais que Callias, vu l’affluence des hôtes, avait débarrassée pour la mettre aussi à la disposition des étrangers. Prodicos était encore couché, enfoui, à ce qu’il m’a semblé, sous les fourrures et les couvertures entassées ; auprès de lui, sur les lits voisins, se trouvaient Pausanias des Kéramées, et avec Pausanias un jeune adolescent qui m’a paru d’un excellent naturel et qui est à coup sûr d’une beauté parfaite. J’ai cru entendre qu’il s’appelait Agathon, et je ne serais pas étonné qu’il fût le mignon de Pausanias ; il y avait donc cet adolescent, et les deux Adimantes, l’un, fils de Képis, et l’autre, de Leucolophide, et quelques autres. Pour le sujet de leur entretien, je n’ai pu, du dehors où j’étais, le saisir, malgré mon vif désir d’entendre Prodicos, qui me paraît être un sage accompli, un homme divin : sa voix de basse-taille, résonnant dans la chambre, arrivait en sons indistincts. A peine étions-nous entrés qu’entraient derrière nous Alcibiade le beau, comme tu dis, avec raison, selon moi, et Critias, fils de Kallaischros.