Protagoras 337c-338b — Hípias

XXIV. — Après Prodicos, le savant Hippias tint ce discours : Vous qui êtes ici présents, je vous regarde tous comme parents, alliés, concitoyens, non par la loi, mais par la nature ; car le semblable est naturellement parent du semblable ; mais la loi, tyran des hommes, fait souvent violence à la nature. Aussi serait-ce une honte pour nous, qui connaissons la nature des choses, qui sommes les plus savants des Grecs et qui, à ce titre, avons pris, dans la Grèce, pour lieu de rendez-vous, le prytanée même de la sagesse, et dans cette ville, la maison la plus considérable et la plus opulente, de ne rien dire qui soit digne de notre réputation, et de nous quereller les uns avec les autres, comme les derniers des hommes. Je vous conjure donc et vous conseille, Protagoras et Socrate, de vous accommoder et de vous en rapporter à nous, comme à des arbitres qui vous engagent à prendre un milieu : toi, Socrate, ne sois pas trop exigeant sur la forme rigoureuse du dialogue à la manière concise, si elle ne plaît pas à Protagoras ; mais détends et lâche les rênes à tes paroles, afin qu’elles nous apparaissent plus magnifiques et plus belles ; et toi, de ton côté, Protagoras, ne mets pas toutes voiles dehors, et, te laissant emporter par le vent favorable, ne fuis pas vers la haute mer de l’éloquence jusqu’à perdre de vue la terre ; mais prenez l’un et l’autre la route intermédiaire. Voilà ce que vous ferez, et vous choisirez, si vous m’en croyez, un juge, un président, un prytane qui veillera à la juste mesure de vos discours à tous deux.