Protagoras 345c-347b — Comentário do Poema (C)

XXXI. — Donc tout cela est dirigé contre Pittacos, et la suite du poème le fait mieux voir encore, car il y est dit : Voilà pourquoi je ne chercherai point une chose impossible à trouver, et je ne risquerai pas inutilement la part d’existence qui m’est assignée dans l’irréalisable espoir de découvrir un homme tout à fait sans reproche parmi nous qui cueillons les fruits de la vaste terre ; mais si je le trouve, je viendrai vous le dire.

C’est avec cette force qu’il attaque dans tout le cours du poème le mot de Pittacos : J’approuve et j’aime volontairement tout homme qui ne fait rien de honteux ; mais contre la nécessité la lutte est impossible, même aux dieux.

Ceci aussi vise au même but ; car Simonide n’était pas assez mal instruit pour dire qu’il louait un homme qui ne fait aucun mal volontairement, comme s’il y avait des gens pour faire le mal volontairement.

Pour moi, je suis à peu près persuadé que, parmi les philosophes, il n’y en a pas un qui pense qu’un homme pèche volontairement et fasse volontairement des actions honteuses et mauvaises ; ils savent tous au contraire que tous ceux qui font des actions honteuses et mauvaises les font involontairement, et Simonide ne dit pas qu’il loue l’homme qui ne commet pas volontairement le mal ; mais c’est à lui-même qu’il rapporte le mot volontairement ; car il pensait qu’un homme de bien se force souvent à témoigner à autrui de l’amitié et de l’estime. Par exemple, on est parfois en butte à d’étranges procédés de la part d’une mère, d’un père, de sa patrie, d’autres hommes qui nous touchent aussi de près. En ce cas, les méchants regardent la malignité de leurs parents ou de leur patrie avec une sorte de joie, l’étalent avec malveillance ou en font des plaintes, afin de se mettre à couvert des reproches et des outrages que mérite leur négligence ; ils en arrivent ainsi à exagérer leurs sujets de plainte, et à grossir de haines volontaires leurs inimitiés forcées. Les gens de bien au contraire jettent un voile sur les torts des leurs et se forcent à en dire du bien ; et si l’injustice de leurs parents ou de leur patrie suscite en eux quelque accès de colère, ils s’apaisent eux-mêmes et se réconcilient avec eux, en se contraignant à les aimer et à en dire du bien.

Plus d’une fois sans doute Simonide s’est rendu compte qu’il avait lui-même fait l’éloge ou le panégyrique d’un tyran ou de quelque autre personnage semblable, non point de son plein gré, mais par contrainte. Voici donc le langage qu’il tient à Pittacos : Pour moi, Pittacos, si je te critique, ce n’est pas que j’aime la chicane ; car Il me suffit qu’un homme ne soit pas méchant, ni trop lâche, qu’il connaisse la justice, sauvegarde des États, et qu’il soit sensé. Pour un tel homme, je n’aurai point de blâme, car je n’aime pas à blâmer ; la race des sots est en effet innombrable tellement que, si l’on prend plaisir à les reprendre, on trouve à critiquer à satiété.

Il faut tenir pour honnête tout acte qui n’est point entaché de honte.

Quand il parle ainsi, ce n’est pas comme s’il disait : Il faut regarder comme blanc tout ce qui est sans mélange de noir ; car cela serait ridicule à plus d’un égard ; il veut dire qu’il se contente d’un juste milieu pour faire taire sa critique, et je ne cherche pas, dit-il, un homme tout à fait sans reproche parmi nous qui cueillons les fruits de la vaste terre ; mais si je le trouve, je viendrai vous le dire. Aussi, à ce titre, je n’aurai personne à louer ; mais je me contente d’un homme moyen, qui ne fait rien de mal ; car j’aime et je loue tout homme, — et il se sert ici du dialecte de Mytilène, parce qu’il parle à Pittacos , — je loue et j’aime volontairement (il faut séparer volontairement de ce qui suit par une pause dans la prononciation) tout homme qui ne fait rien de honteux ; tandis que c’est malgré moi que je loue et que j’aime certaines personnes. Si donc toi, Pittacos, tu avais dit des choses d’une justesse et d’une vérité moyennes, jamais je ne t’aurais repris ; mais tu avances au contraire de graves erreurs sur des questions capitales, et tu t’imagines que tu dis la vérité : c’est pour cela que je te reprends.

Voilà, selon moi, Prodicos et Protagoras, quel a été le dessein de Simonide, quand il a composé ce poème.