Chambry: La République VI 484a-487a — A noção de filósofo-governante

1. 484 — Eh bien, dis-je, Glaucon, pour ce qui est des philosophes, et de ceux qui ne le sont pas, voici que parvenus au terme d’un long dialogue, et avec quelque difficulté, on a fait voir qui ils sont, les uns et les autres.

— C’est que peut-être, dit-il, le faire brièvement n’était pas faciIe.

— C’est en effet ce qui apparaît, dis-je. Moi en tout cas il me semble que ce serait apparu encore mieux si on n’avait eu à parler que de cela, et s’il n’était pas resté bien d’autres choses à exposer pour pouvoir distinguer en quoi la vie b juste diffère de la vie injuste.

— Qu’avons-nous donc à traiter après cette question ? dit-il.

— Rien d’autre, dis-je, que ce qui en constitue la suite : une fois admis que sont philosophes ceux qui sont capables de s’attacher à ce qui est toujours identiquement dans les mêmes termes ; tandis que ceux qui n’en sont pas capables, mais errent parmi les choses multiples et variables en tous sens, ne sont pas philosophes, lesquels d’entre eux doivent être chefs de la cité ?

— Mais de quelle façon en parler, dit-il, pour que notre réponse soit adéquate ?

— Ceux, dis-je, qui paraîtront capables de garder à la fois les lois des cités et les fonctions qu’on y exerce, ce sont ceux-là c qu’il faut instituer comme gardiens. ”

— Tu as raison, dit-il.

— Mais, dis-je, cette question est-elle résolue : est-ce un aveugle, ou un homme à la vue perçante, qu’il faut avoir comme gardien pour surveiller quelque objet que ce soit ?

— Comment pourrait-elle ne pas être résolue ? dit-il.

— Eh bien, te semble-t-il y avoir la moindre différence entre les aveugles, et ceux qui sont réellement privés de la connaissance de toute chose qui est réellement, qui n’ont dans l’âme aucun modèle clair, et ne sont pas capables, comme le feraient des peintres, de tourner les yeux vers ce qui est le plus vrai, de s’y reporter à chaque fois, et de le considérer avec le plus d’exactitude possible, pour précisément y conformer aussi d les règles à établir ici concernant ce qui est beau, juste, et bon, chaque fois que besoin est de les établir ; et aussi bien de préserver celles qui sont établies, en étant leurs gardiens ?

— Non, par Zeus, dit-il, il n’y a guère de différence entre eux.

— Instituerons-nous alors plutôt ces derniers comme gardiens, ou bien ceux qui ont reconnu chaque chose qui est réellement, tout en n’étant nullement en reste sur les premiers pour l’expérience, et en n’ayant aucun retard sur eux dans aucune autre partie de l’excellence ?

— Il serait bien étrange d’en choisir d’autres qu’eux, dit-il, si en effet ils s’avèrent ne pas être en reste par ailleurs. Car par ce point même, sans doute le plus important de tous, ils auraient l’avantage. 485 — Allons-nous dès lors traiter la question de savoir de quelle façon les mêmes hommes seront en mesure de posséder à la fois le premier et le second avantage ?

— Oui, certainement.

— Eh bien, c’est ce que nous disions au début de cette partie du dialogue : il faut d’abord connaître leur nature en profondeur. Et je crois que si nous tombons suffisam “ment d’accord sur ce point, nous serons d’accord aussi que les mêmes hommes seront en mesure de posséder ces deux avantages, et qu’on n’a pas besoin d’autres hommes qu’eux pour être les chefs des cités.

— Comment procéder ?

— Concernant les natures philosophes, accordonsnous sur ce point : qu’elles ne cessent d’être amoureuses b du savoir capable de leur donner une vision de l’essence qui ne cesse d’être, sans errer sous l’effet de la naissance et de la corruption.

— Oui, accordons-nous là-dessus.

— Et posons en outre, dis-je, que c’est de l’essence tout entière qu’elles sont amoureuses, sans renoncer de bon gré à une part plus ou moins grande, ou plus ou moins importante de l’essence, selon ce que nous avons expliqué précédemment en parlant de ceux qui aiment les honneurs, et de ceux qui sont doués pour l’amour.

— Tu as raison, dit-il.

— Après cela, examine donc ce point : s’il est nécessaire que ceux qui devront être tels que nous l’avons dit aient dans leur nature, c en plus, l’aptitude suivante.

— Quelle aptitude ?

— La répugnance envers ce qui est faux, et la disposition à ne jamais accepter volontairement le faux, mais à le détester, et à avoir de l’affection pour la vérité.

— Oui, apparemment, dit-il.

— Il ne s’agit pas seulement d’apparence, mon ami, mais il est aussi très nécessaire que celui qui par nature est disposé amoureusement envers un objet d’amour, ché- risse tout ce qui est parent, et proche, de ses amours.

— Exact, dit-il.

— Or pourrais-tu trouver quelque chose de plus proche de la sagesse que la vérité ?

— Comment le pourrais-je ? dit-il.

— Est-il donc possible que le même naturel soit ami de la sagesse (philosophe), et d ami du faux ? ”

— Non, nullement.

— Il faut donc que celui qui est réellement ami du savoir tende, dès sa jeunesse, le plus possible vers la vérité.

— Oui, absolument.

— Mais chez celui dont les désirs penchent fortement vers une seule chose, nous savons, n’est-ce pas, qu’ils sont plus faibles pour aller vers le reste, comme s’il s’agissait d’un courant canalisé dans cette direction.

Bien sûr.

— Dès lors, celui en qui le flux des désirs va vers les savoirs et vers tout ce qui est du même genre, serait, je crois, attaché au plaisir que l’âme retire de sa relation avec elle-même, et abandonnerait les plaisirs qui passent par le corps, à moins qu’il ne soit philosophe que fictivement, et non e véritablement.

— Très nécessairement.

— Un tel homme, dès lors, est tempérant, et n’est nullement ami des richesses. Car étant donné les raisons pour lesquelles on recherche les richesses, avec tout le luxe qu’elles permettent, c’est à tout autre qu’à lui qu’il convient de les rechercher.

— Oui, c’est cela.

— Or il faut aussi, n’est-ce pas, examiner le point suivant, quand on veut 486 distinguer le naturel philosophe de celui qui ne l’est pas.

— Quel point ?

— Il faut éviter que, sans que tu t’en sois aperçu, ce naturel ne manque du sens de la liberté. Car la mesquinerie, tu le sais, est la chose la plus contraire à une âme dont on veut qu’elle tende vers le tout, et, en toute occasion, vers toute réalité divine aussi bien qu’humaine.

— Oui, c’est tout à fait vrai, dit-il.

— Or à une pensée douée de grandeur de vues, et de la capacité de contempler la totalité du temps et de l’exis “tence , crois-tu que la vie humaine puisse sembler être quelque chose d’important ?

— C’est impossible, dit-il.

— Par conséquent, b un tel homme considérera que même la mort n’est pas à craindre ?

— Non, pas du tout à craindre.

— Dès lors un naturel lâche et dépourvu du sens de la liberté ne saurait apparemment pas avoir de part à la philosophie véritable.

— Non, pas à mon avis.

— Mais dis-moi : l’homme à l’âme ordonnée, qui n’a pas le goût de l’argent, qui ne manque pas du sens de la liberté, qui n’est ni vantard ni lâche, se pourrait-il qu’il devienne peu fiable dans les contrats, ou injuste ?

— Non, cela ne se peut. — Dès lors, en examinant une âme amie de la sagesse pour la distinguer de celle qui ne l’est pas, tu examineras aussi ce point : si vraiment, dès sa jeunesse, elle est juste et douce, ou bien asociale, et sauvage.

— Certainement.

— Et tu ne laisseras pas non plus de côté la question suivante, c à ce que je crois.

— Laquelle ?

— Celle de savoir si elle apprend facilement ou difficilement. Espères-tu que quelqu’un puisse jamais chérir suffisamment une chose qu’il ferait en souffrant, et où il réussirait peu, malgré ses efforts ?

— Non, cela ne saurait se produire.

— Mais si, étant plein d’oubli, il n’était capable de conserver aucune des choses qu’il aurait apprises ? Pourrait-il éviter d’être vide de connaissance ?

— Comment le pourrait-il ?

— Dès lors qu’il peinerait sans résultat, ne crois-tu pas “qu’il finirait forcément par se haïr lui-même, et par haïr ce genre d’activité ?

— Comment d l’éviterait-il ?

— Par conséquent, ne sélectionnons jamais une âme oublieuse pour la placer parmi celles qui sont adéquatement philosophes ; au contraire, exigeons que cette âme soit douée de mémoire.

— Oui, certainement.

— Mais nous pourrions affirmer que ce qui a un naturel à la fois étranger aux Muses, et dépourvu d’élé- gance, n’entraîne dans aucune autre direction que celle du manque de mesure.

— Certes.

— Or la vérité, penses-tu qu’elle soit apparentée à l’absence de mesure, ou au sens de la mesure ?

— Au sens de la mesure.

— Par conséquent, nous devons rechercher une intelligence naturellement douée de mesure et de grâce, en plus du reste, une intelligence que son naturel portera spontanément e vers la forme visible’ de chaque chose qui est.

— Inévitablement.

— Mais dis-moi : es-tu par hasard d’avis que les qualités que nous avons énumérées ne sont pas nécessaires et ne s’ensuivent pas les unes des autres, pour l’âme dont on veut qu’elle soit en relation avec ce qui est réellement, de façon adéquate et parfaite ?

— Si, dit-il, elles lui sont 487 tout à fait nécessaires.

— Est-il dès lors possible que tu désapprouves une activité telle qu’on ne saurait jamais devenir à même de l’exercer de façon adéquate sans être naturellement pourvu de mémoire, de facilité à apprendre, de grandeur de vues, de grâce, ami aussi bien que parent de la vérité, de la justice, de la virilité, de la tempérance ? ”

— Même Mômos , dit-il, ne saurait désapprouver une telle activité.

— Eh bien, dis-je, n’est-ce pas à de tels hommes, accomplis aussi bien sous le rapport de l’éducation que de l’âge, et à eux seuls, que tu confierais la cité ?