Cousin: Épinomis 988e-992e — Educação postulada pela Sabedoria verdadeira

Nous ne disons rien en cela que n’approuve la justice qui doit tirer vengeance des impies. Il ne nous est pas permis non plus de révoquer en doute ce principe, que l’homme de bien mérite le titre de sage.

(989a) Mais voyons si cette sagesse qui fait depuis si longtemps l’objet de nos recherches est attachée à une science ou à un art que nous ne puissions ignorer, sans ignorer aussi ce que c’est que la justice. Je crois qu’il en est ainsi, et là-dessus voici ma pensée : après de longues et pénibles recherches, la sagesse s’est montrée à moi, et je vais essayer de vous la faire voir telle que je l’ai vue. Par tout ce qui vient d’être dit, (989b) je crois avoir fait entendre que la cause de notre ignorance est que nous pratiquons mal ce qui fait comme l’essence de la vertu (je parle de la piété envers les dieux), et gardons-nous bien de croire qu’il y ait une partie plus essentielle de la vertu que les mortels doivent lui préférer. Il faut expliquer comment par la plus grossière ignorance elle ne s’est pas trouvée dans les plus excellents naturels. J’appelle excellents naturels ceux qui se forment très difficilement, mais dont on peut se promettre les plus grands biens, lorsqu’ils sont formés. En effet, il faut un certain tempérament de lenteur et de vivacité, afin qu’une âme soit douce et en même temps qu’elle aime le courage, et soit docile aux leçons de la tempérance. Ce qui est aussi très important, (989c) c’est qu’elle joigne à ces qualités de la disposition pour les sciences et une mémoire aisée qui lui fassent trouver du plaisir à l’étude, afin qu’elle s’y porte avec ardeur. Autant ces naturels sont rares, autant, lorsqu’ils existent, et qu’ils ont reçu la culture et l’éducation nécessaires, ils sont propres à maintenir dans le devoir la foule des caractères moins distingués, parce qu’en toute circonstance ils pensent, ils font et ils disent à l’égard des dieux ce qu’il y a de mieux, éloignés de toute ostentation de piété dans les sacrifices et les expiations qui ont pour objet les dieux ou les hommes, et rendant un hommage sincère à (989d) la vertu, ce qui est le plus grand de tous les avantages pour l’État. Je dis donc que ces naturels ont les meilleures dispositions à apprendre parfaitement, pourvu que quelqu’un leur serve de maître. Mais nul ne peut enseigner que sous la direction de Dieu ; de manière que si celui qui veut enseigner ne s’y prenait pas comme il faut, il vaudrait mieux ne rien apprendre de lui. Cependant, suivant ce que nous disons, c’est une nécessité pour ces heureux naturels d’apprendre la sagesse comme pour moi de l’enseigner. (989e) Tâchons donc d’expliquer, selon mes lumières et selon la portée de ceux pour qui je parle, (990a) quelle est cette science propre à inspirer la piété envers les dieux, et comment ou doit l’apprendre.

On sera peut-être surpris en entendant le nom de cette science : je vais le dire, car personne ne le soupçonnerait, à cause du peu de connaissance qu’on a de la chose : c’est l’astronomie. Ignorez-vous qu’il est nécessaire que le véritable astronome soit aussi très sage ? Non pas celui qui observe les astres suivant la méthode d’Hésiode et de tous les auteurs semblables, se bornant à en étudier le lever et le coucher ; mais celui qui des huit révolutions a observé principalement celle des sept planètes, dont chacune décrit son cercle (990b) d’une manière qu’il n’est pas donné à tout le monde de bien connaître, à moins qu’on ne soit doué d’un naturel excellent, connue nous l’avons dit, et comme nous le dirons en expliquant par quelle voie et comment il faut l’apprendre. Et disons d’abord que la lune achève très rapidement sa révolution, qu’elle nous donne le mois, et le partage en deux lorsqu’elle est pleine. Il faut ensuite considérer le soleil qui dans la totalité de sa révolution nous amène le changement des saisons, et les deux planètes qui marchent d’une égale vitesse avec lui. Et pour ne pas répéter plusieurs fois (990c) les mêmes choses, il faut observer la route que tiennent les autres planètes dont nous avons parlé ; ce qui n’est point aisé. Pour acquérir les qualités qui nous rendent ces observations possibles, il faut apprendre d’avance bien des choses, et s’accoutumer au travail dans l’enfance et la jeunesse. Ainsi on ne peut se dispenser d’apprendre les mathématiques, dont la première et principale partie est la science des nombres ; je ne dis pas des nombres concrets, mais des nombres abstraits ; de la génération du pair et de l’impair, et de l’influence qu’ils ont sur la nature des choses.

(990d) Après cette science, il s’en présentera une autre qu’on a appelée fort ridiculement géométrie, et qui est proprement la science de rendre commensurables, en les rapportant à des surfaces, des nombres qui sans cela n’auraient pas de mesure commune : ce qui paraîtra une merveille, non humaine, mais vraiment divine, à quiconque pourra la concevoir. Vient ensuite la science qui, par une méthode toute semblable, en multipliant trois nombres les uns par les autres, s’élève au solide ou redescend du solide au nombre linéaire ; ceux qui la possèdent lui ont aussi donné le nom (990e) de géométrie. Mais ce qu’il y a de divin et d’admirable, pour ceux qui savent le comprendre, c’est que la loi qui fait se développer, suivant la raison deux, la progression ascendante ou descendante des nombres, est aussi celle que suit la nature dans la production des genres et des espèces pour (991a) chaque classe d’êtres(1257). Le premier rapport de la proportion qui a pour raison deux, est le rapport de l’unité au nombre deux, dont le double est sa seconde puissance. Si on passe au solide et au tangible en doublant encore cette seconde puissance, on s’est élevé d’un à huit ; la seconde puissance du nombre deux est un milieu entre ces deux termes, car elle l’emporte autant sur le plus petit que le plus grand l’emporte sur elle ; elle surpasse un extrême et est surpassée par l’autre d’une quantité égale. Parmi les nombres compris entre six et (991b) douze se trouvent deux nombres formés par l’addition du tiers et de la moitié de six à lui-même. Le chœur des muses a fait présent aux hommes de ces deux raisons qui, se trouvant au milieu, ont le même rapport aux deux extrêmes, pour être le fondement de l’accord et de la symétrie, pour les diriger dans la mesure et l’harmonie de leurs danses et de leurs chants.

Telles sont les sciences auxquelles on doit s’attacher, sans en négliger la moindre partie. Mais pour les achever, il faut s’élever à la contemplation de la génération des dieux et de la nature souverainement belle et divine des êtres visibles, autant que Dieu a donné aux hommes de pouvoir la pénétrer. Jamais personne ne se flattera d’atteindre sans effort à cette contemplation, sans (991c) le secours des sciences dont on vient de parler. Il faut de plus que dans tous ses entretiens, soit en interrogeant, soit en réfutant ce qui paraît mal dit, on ramène toujours les espèces aux genres. De toutes les méthodes employées par les hommes dans l’examen du vrai, celle-ci est la première et la plus belle ; toute autre malgré ses promesses ne produit que les plus vains résultats. Il faut connaître aussi la mesure exacte des temps, et la précision avec laquelle se font toutes les (991d) révolutions célestes, afin que, persuadé de cette vérité que l’âme est d’une nature plus ancienne et plus divine que le corps, on regarde aussi comme une vérité également belle et solide que tout est plein de dieux, et que jamais ces êtres meilleurs ne nous abandonnent par oubli ou par négligence. Une observation générale à faire aussi sur ces sciences, c’est qu’elles sont très utiles, lorsqu’on les étudie comme il faut ; mais que si on s’y prend mal, il vaut mieux invoquer Dieu sans cesse. Quant à la manière de les étudier, la voici, (991e) car je ne puis m’empêcher d’en dire un mot. Il faut que toute espèce de figure, toute combinaison de nombres, tout ensemble musical et astronomique, manifeste son unité à celui qui apprendra selon la vraie méthode ; or, cette unité lui apparaîtra si, comme nous le disons, il l’a toujours en vue dans ses études. Car la réflexion lui découvrira qu’un seul lien (992a) unit naturellement toutes choses ; mais s’il suit une autre route, il ne lui reste, comme nous avons dit, qu’à invoquer la fortune ; parce que sans cette connaissance il est impossible qu’il y ait dans aucun état un homme vraiment heureux ; mais telle est la voie, telle est l’éducation, telles sont les sciences faciles ou non à apprendre, qui peuvent conduire à cette fia. En même temps, il n’est pas permis de négliger les dieux, lorsqu’on a conçu clairement et sous son vrai jour l’heureuse (992b) doctrine qui les concerne. Je dis encore que celui-là est très sage dans la plus exacte vérité, qui possède toutes ces connaissances de la manière que j’ai expliquée ; et je soutiens moitié en badinant moitié sérieusement que, quand la mort aura fermé la carrière d’un de ces sages, si même on peut presque dire qu’il meurt, il n’aura point alors plusieurs sens comme aujourd’hui, mais n’ayant plus qu’une seule destinée à remplir, et devenu un de multiple qu’il était, il se verra au comble de la sagesse et de la félicité. En quelque lieu qu’habite cet heureux (992c) mortel, dans un continent ou dans une île, tel est le sort qui l’attend à jamais, qu’il ait mené une vie privée ou publique, s’il a fait son étude de ces objets, il recevra des dieux la même récompense.

On voit à présent la vérité de ce que nous disions au commencement, qu’il est impossible aux hommes, à un petit nombre près, de parvenir à un parfait bonheur, à une entière félicité. En effet, il reste démontré que ceux qui ont reçu à la fois en partage un naturel divin, de la prudence et les autres vertus, et de plus ont acquis toutes les connaissances qui conduisent à cette heureuse science (nous avons dit quelles sont ces connaissances), ceux-là seuls ont acquis et possèdent complètement tous les éléments du vrai bonheur. Nous disons donc ici à titre privé, et nous établissons par une loi à titre public que les premières charges de l’État seront données à ceux qui auront cultivé ces sciences, quand ils seront parvenus à un âge avancé ; et que tous les autres citoyens marchant sur leurs traces s’occuperont des louanges des dieux et des déesses. Pour nous, après avoir suffisamment étudié et éprouvé les membres du conseil qui se tiendra avant le jour, nous ne pourrons mieux faire (992a) que de les exhorter tous à l’acquisition de cette sagesse.

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