Crouzel (OP:20-21) – esquecimento de Deus enquanto Pai

Le dixième traité (V, 1, 1) [1-10] commence par une lamentation sur les âmes qui, dans un mauvais usage de leur libre arbitre, ne voulant n’appartenir qu’à elles-mêmes, ont oublié que Dieu était leur père et qu’elles venaient de là-haut : en mot à mot qu’elles étaient des “parties” (μοίρας) de là-haut. Se précipitant dans la direction opposée à leur origine elles ont ignoré qu’elles en venaient. Plotin les compare à des enfants arrachés à leurs pères dès leur naissance, élevés loin d’eux et ne connaissant pour cette raison ni eux ni leurs pères. Plus loin, il s’agit de la procession de l’Intelligence à partir de l’Un [V, 1 (10) 7, 1-6]. L’Intelligence est l’image (εικών) de l’Un : d’une certaine façon l’engendré est celui qui l’engendre, il en conserve beaucoup de traits, il a une ressemblance (όμοιότῆς) avec lui. Cependant l’Intelligence n’est pas l’Un. Nous retrouvons le jeu des antithèses. Les notions d’image et de ressemblance, exprimées par divers mots, ont de l’importance dans l’exemplarisme platonicien comme aussi dans la patristique primitive. Celui qui engendre le fait à son image. Et la production de l’Intelligence est ainsi exprimée : l’Un “voit en se tournant [20] vers lui ; cette vision est l’Intelligence”. En effet l’Intelligence est caractérisée par la dualité sujet/objet : elle est à la fois intelligence et intelligible1.


  1. Nous traduisons comme É. Bréhier en supposant soit εαυτό avec le Vaticanus Regius Gr. 97 soit αὐτό avec Kirchhoff et Bréhier. La plupart des autres manuscrits, ainsi qu’un réviseur marginal de celui qui vient d’être cité portent αὐτό avec l’esprit doux. Le Lexicon Plotinianum, à la fin de la colonne 280, aux mots έαυτόν et αυτόν remarque que Plotin utilise souvent les formes à esprit doux avec sens réfléchi au lieu des formes à esprit rude, et qu’il est d’ailleurs souvent impossible d’être sûr de ce qu’il a écrit. 

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