habitudes

Mais au sujet de l’âme, d’abord, il faut chercher si l’âme est différente de l’être de l’âme. S’il en est ainsi, l’âme est un composé ; et il n’est pas absurde qu’elle reçoive des formes, qu’elle éprouve les passions dont j’ai parlé, au cas où la raison le lui permettra, et en général qu’elle admette des HABITUDES et des dispositions bonnes ou mauvaises. Mais si l’âme est identique à l’être de l’âme, elle est une forme ; elle n’admet donc en elle aucun des actes qu’elle est capable de produire en un sujet différent d’elle ; elle a un acte immanent et intérieur à elle-même ; quel qu’il soit, la raison nous le découvre. En ce cas, il est vrai de dire aussi qu’elle est immortelle ; car un être immortel et incorruptible ne doit pas pâtir ; il fait part de lui-même aux autres êtres ; mais il ne reçoit rien d’eux, sinon des êtres qui lui sont antérieurs, dont il n’est point séparé comme par une coupure et qui lui sont supérieurs. Qu’aurait à craindre un tel être, puisqu’il n’admet en lui rien d’étranger ? Réservons la crainte à l’être capable de pâtir. La confiance, non plus, n’existe pas en lui ; elle est propre aux êtres qui peuvent avoir à craindre. Les désirs non plus ; il en est qui se satisfont en remplissant ou en vidant le corps ; ce n’est point l’âme qui subit ces états de plénitude et ces évacuations. Comment éprouverait-elle le désir de se mêler à autre chose ? Une essence reste sans mélange. Pourquoi désirerait-elle introduire en elle ce qui n’y est pas ? Autant chercher à n’être pas ce qu’elle est. La souffrance est aussi bien loin d’elle. Comment et de quoi s’affligerait-elle ? Un être simple se suffit à lui-même, et il reste tel qu’il est en sa propre essence. Elle n’a pas non plus de plaisir, puisque le bien ne s’ajoute point à elle et ne survient pas en elle ; car elle est toujours ce qu’elle est. Pas de sensation non plus, ni de réflexion, ni d’opinion en elle ; car la sensation consiste à recevoir la forme ou les manières d’être d’un corps ; la réflexion et l’opinion reviennent à la sensation. ENNÉADES - Bréhier: I, 1 (53) - Qu’est-ce que l’animal ? Qu’est-ce que l’homme ? 2

Donc la dialectique est une partie de la philosophie, et précieuse entre toutes. La philosophie a d’autres parties ; elle étudie la nature avec l’aide de la dialectique ; et si l’arithmétique aussi et d’autres arts usent de la dialectique, la physique en est bien plus proche et tire bien plus d’elle. La philosophie étudie la morale, en partant encore de la dialectique ; elle y ajoute les bonnes HABITUDES et les exercices d’où elles proviennent. Les HABITUDES rationnelles tirent leur caractère propre de cette origine dialectique ; bien qu’elles soient engagées dans la matière, elles gardent beaucoup de la dialectique. Si les autres vertus ne font qu’appliquer le raisonnement à des passions et à des actions qui sont particulières en chacune, la prudence, elle, est une espèce de raisonnement qui vise davantage au général ; elle se demande si la conduite est conséquente, si, dans le cas présent, il faut s’abstenir d’une action ou l’accomplir ou s’il y en a une meilleure ; mais c’est la dialectique et la sagesse qui fournissent à la prudence les règles absolument universelles et sans matière qu’elle utilise. ENNÉADES - Bréhier: I, 3 (20) - De la dialectique 6

La blancheur qui est en toi n’est donc pas une qualité ; elle est évidemment un acte dérivé d’une puissance qui est celle de produire la blancheur. Dans le monde intelligible, les prétendues qualités sont aussi des actes ; nous les prenons faussement pour des qualités parce que chacune d’elles est le propre d’une substance, parce qu’elles possèdent, quant à elles, un caractère propre. - En quoi la qualité dans le monde intelligible diffère-t-elle donc de la qualité dans le monde sensible, puisque l’une et l’autre sont des actes ? - C’est que la qualité, dans le monde sensible, n’indique pas la quiddité d’une substance ; elle ne fait pas la différence des substances entre elles ni leur caractère propre ; elle révèle seulement ce que nous appelons qualité et ce qui, dans le monde intelligible, est un acte. Donc lorsqu’une qualité constitue le propre d’une substance, il est évident par là qu’elle n’est pas véritablement une qualité ; mais lorsque, par la pensée, nous isolons cette propriété qui est en la substance (sans d’ailleurs rien enlever à la substance, et en nous bornant à concevoir et à engendrer une notion), nous engendrons cette autre chose qui est la qualité, en prenant dans la substance la partie la plus superficielle. S’il en est ainsi, rien n’empêche que la chaleur, quand elle est inhérente au feu, soit une forme ou un acte et non une qualité du feu, et que, d’autre part, elle soit une qualité, prise dans un autre sujet et isolée ; elle n’est plus désormais la forme d’une substance, mais une trace, une ombre ou une image qui a abandonné sa substance ; alors elle est qualité. Donc tous les accidents qui ne sont point des actes et des formes essentielles aux substances sont des qualités ; telles sont les HABITUDES acquises et autres dispositions des sujets qu’il faut appeler des qualités ; mais leurs modèles intelligibles, où elles existent primitivement, sont des actes5. Il n’est pas vrai aussi qu’une même chose soit une qualité et ne soit pas une qualité ; la qualité, c’est ce qui est isolé de la substance ; ce qui lui est lié est une forme ou un acte ; une chose n’est pas la même, quand elle reste en ellemême et quand, placée en un sujet autre qu’elle, elle déchoit de son rang de forme et d’acte. Ce qui n’est jamais la forme, mais seulement l’accident d’un sujet est une pure qualité et n’est que cela. ENNÉADES - Bréhier: II, 6 (17) - De la qualité et de la forme 3