Et lorsqu’il perd la raison, sous le flot des maladies ou des artifices de la magie ? - Si (les Stoïciens) admettent que, dans ces conditions, il ne perd pas la sagesse, non plus que dans l’état de SOMMEIL, qu’est-ce qui l’empêche de garder le bonheur ? Car (les Stoïciens) disent qu’il ne perd pas le bonheur pendant son SOMMEIL ; ils ne déduisent pas la durée du SOMMEIL du temps de son bonheur, puisqu’ils disent qu’il est heureux pendant toute la vie. - On dira qu’il est alors heureux mais non pas sage. - Mais l’on ne parle plus alors de la même question ; c’est dans la supposition où il reste sage que nous demandions s’il est heureux tant qu’il reste sage. - Soit, dit-on, il reste sage ; sans le sentiment de sa vertu et sans les actions vertueuses, comment pourrait-il être heureux ?- Si l’on ne sent pas son état de santé, on a pourtant la santé ; si l’on ne sent pas sa beauté, on n’en est pas moins beau ; si l’on n’a pas le sentiment de sa sagesse, en serait-on moins sage ? - Oui, dira-t-on ; car la sagesse implique nécessairement le sentiment et la conscience de soi ; c’est dans la sagesse qui agit que l’on trouve le bonheur. - Si la pensée et la sagesse étaient des qualités acquises, l’argument serait bon ; mais la sagesse est dans la substance d’un être, ou plutôt de l’être ; cet être ne disparaît pas quand le sage est dans l’état de SOMMEIL ou dans un état inconscient quelconque ; l’acte de cet être est lui-même dans le sage et cet acte est une veille sans SOMMEIL ; le sage comme tel agit donc, même dans cet état ; mais cette action lui échappe ; non pas, il est vrai, à lui tout entier, mais à une partie de lui-même. (L’activité végétative aussi existe en nous ; mais elle ne s’étend pas à tout l’homme ; nous ne percevons pas cette activité par la sensation ; si le moi était cette activité, c’est lui qui agirait alors. En réalité, il est non pas cette activité, mais une activité pensante ; donc quand la pensée agit, c’est nous qui agissons.) ENNÉADES - Bréhier: I, 4 (46) - Du bonheur 9
- Tout être réel est en acte ; mais est-il aussi un acte, et en quel sens ? - Si l’on a dit avec raison que « cette nature intelligible est sans SOMMEIL », qu’elle est une vie et la meilleure des vies, c’est là-bas qu’on trouve les plus beaux des actes. Tout être est donc en acte, et il est acte ; tout être est une vie ; le lieu intelligible est le lieu de la vie, le principe et la source véritables de l’âme et de l’intelligence. ENNÉADES - Bréhier: II, 5 (25) - Que veut dire en puissance et en acte ? 3