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Disons d’abord ce qu’est l’être en puissance. Le terme en puissance ne doit pas se prendre absolument ; on ne peut être en puissance de rien. Par exemple, l’AIRain est la statue en puissance ; si rien ne venait de lui ou en lui, s’il ne devait rien y avoir après lui, si rien ne pouvait venir de lui, l’AIRain serait simplement ce qu’il est ; or ce qu’il est existait déjà, et n’était pas à venir ; pourquoi serait-il en puissance, dès maintenant qu’il est là ? L’AIRain, pris absolument, n’est donc pas un être en puissance. Le terme en puissance doit se dire de l’être qui est déjà autre que lui-même, parce qu’un autre être peut venir après lui, soit que le premier continue à exister après avoir produit cet être différent, soit qu’il se détruise lui-même en se donnant à l’être qu’il est en puissance ; au premier sens, l’AIRain est statue en puissance ; au second sens, l’eau est neige en puissance et l’AIR est feu en puissance. ENNÉADES – Bréhier: II, 5 (25) – Que veut dire en puissance et en acte ? 1

Certains admettent que les qualités seules se mélangent ; selon eux la matière de chacun des deux corps est juxtaposée à celle de l’autre ; mais les qualités qui viennent de chacun des deux s’introduisent dans l’autre. Ils peuvent sembler avoir raison dans leur critique du mélange total ; il en résulterait, disent-ils, que les grandeurs des masses se subdiviseraient en fragments, s’il ne restait, dans le mixte, aucun intervalle rempli par un seul des deux corps, et si la division se poursuivait continuellement jusqu’à ce que chacun des deux traversât l’autre tout entier. De plus, les corps mélangés occupent parfois un volume plus grand que l’un des deux pris séparément, et un volume aussi grand que s’ils étaient simplement juxtaposés ; pourtant s’il y avait une pénétration totale, il faudrait que le volume du corps où l’autre a été projeté restât le même. Quant au cas où le volume du mixte n’est pas plus grand que celui d’un des deux corps, la raison en est que ce corps contenait de l’AIR qui en est sorti, et à la place duquel l’autre corps a pénétré. Comment, d’ailleurs, un petit corps pourrait-il s’étendre en un grand pour le contenir tout entier ? Et ils donnent encore bien d’autres raisons. ENNÉADES – Bréhier: II, 7 (37) – Du mélange total 1

Les partisans du mélange total pourraient répondre que les corps se divisent bien, mais sans se dissoudre en fragments, même dans le cas du mélange total ; la sueur, diront-ils, coule sans qu’il y ait des fentes ou des trous sur le corps. Dira-t-on que la nature a fait le corps de telle manière que la sueur puisse le traverser ? Mais on fabrique des lames minces et continues que l’on voit un liquide imprégner complètement et traverser d’une face à l’autre. Comment est-ce possible, dira-t-on, si ces lames sont des corps ? Il n’est certes pas facile de comprendre comment un corps en traverse un autre sans le diviser ; mais, s’ils se divisaient, il est clAIR qu’ils se détruiraient complètement l’un l’autre. De plus, lorsque leurs adversAIRes parlent des cas où il n’y a pas augmentation de volume dans le mélange, ils en donnent comme raison la sortie de l’AIR renfermé dans l’un des corps : mais, dans le cas où le volume augmente, qui empêche, malgré la difficulté de cette explication, de dire que cette augmentation est due à ce que chacun des deux corps apporte au mixte sa grandeur propre avec ses autres qualités ? Car la grandeur ne s’évanouit pas plus que les autres qualités ; et de même que le mixte a une qualité nouvelle formée du mélange des qualités des deux corps, il aurait une grandeur nouvelle produite par le mélange des grandeurs des deux corps. Mais alors, pourraient répondre les partisans de la première thèse, puisque la matière d’un corps se juxtapose à la matière de l’autre, et sa masse, à laquelle est liée la grandeur, à la masse de l’autre, c’est notre thèse même que vous soutenez ; mais, si la matière de l’un, avec la grandeur qui est primitivement en elle, pénétrait entièrement celle de l’autre, le phénomène ne serait pas comparable à la juxtaposition de deux lignes placées bout à bout et se touchant par leurs points extrêmes (cas où il y aurait accroissement de grandeur), mais à la coïncidence de deux lignes ; et alors il n’y aurait pas accroissement. ENNÉADES – Bréhier: II, 7 (37) – Du mélange total 1

(Mais voilà une question qu’il faut traiter pour elle-même ; qu’arrive-t-il lorsque la masse d’eau est devenue de l’AIR ? Comment s’agrandit-elle ?) Restons-en maintenant aux arguments indiqués, parmi bien d’autres, en faveur de chacune des deux thèses ; et examinons par nous-mêmes ce qu’il faut dire à ce sujet, quelle est l’opinion conforme aux arguments indiqués, et s’il ne s’en présentera pas une autre, différente des deux premières. ENNÉADES – Bréhier: II, 7 (37) – Du mélange total 2