Pendant la vie, donc, notre démon veut nous conduire ; il domine ; et il vit lui-même sous la conduite d’un autre démon. Si nous venons à déchoir sous l’influence de nos mauvaises moeurs, nous en sommes châtiés ; ainsi est puni le méchant ; son vice le fait tomber à un rang inférieur, et il mène la vie qui ressemble aux seules facultés alors agissantes en lui, la vie d’une bête. Si, au contraire, nous pouvons suivre le démon qui est au-dessus de nous, nous nous élevons nous-mêmes en vivant de sa vie ; ce démon, vers qui nous sommes conduits, devient la partie la meilleure de nous-mêmes, et celle à qui nous donnons la puissance ; après lui, nous prenons pour guide un autre démon encore supérieur, et ainsi, jusqu’au plus élevé. Car l’âme est plusieurs choses ; elle est toutes choses, les choses supérieures et les choses inférieures, et elle s’étend dans tout le domaine de la vie. Chacun de nous est un monde intelligible ; liés aux choses inférieures par ce que l’on voit de nous, nous touchons aux choses supérieures par ce que nous avons d’intelligible ; par notre partie pleinement intelligible, nous demeurons en haut ; mais, par la partie qui tient le dernier rang, nous sommes enchaînés aux choses d’en bas, répandant sur elles une ÉMANATION ou plutôt une activité émanée de la partie pleinement intelligible, qui n’en est d’ailleurs nullement amoindrie. ENNÉADES – Bréhier: III, 4 (15) – Du démon qui nous a reçus en partage 3
– Cette ÉMANATION reste-t-elle toujours dans le corps ? -Non pas ; tournons-nous là-haut, et elle s’y tourne avec nous. – Et l’âme de l’univers ? La portion qui en est émanée abandonnera-t-elle l’univers, quand l’âme se tournera en haut ? -Non, parce qu’elle ne s’était pas abaissée par sa portion inférieure. Elle ne vient pas, elle ne descend pas : elle reste. Le corps du monde s’attache à elle et en est comme illuminé, sans qu’elle en soit embarrassée ni ne prenne souci ; car le monde est en sécurité. – Quoi ! n’en a-t-elle pas la sensation ? – « Elle n’a pas la vue », dit Platon, puisque l’univers n’a pas d’yeux, pas plus, c’est clair, qu’il n’a d’oreilles, de nez, ni de langue. ENNÉADES – Bréhier: III, 4 (15) – Du démon qui nous a reçus en partage 4