mort

Les voilà donc mêlés. Par cette union, l’élément pire s’améliore, et l’élément le meilleur empire : le corps s’améliore, en prenant part à la vie ; l’âme empire en participant de la MORT et de la déraison. Comment une âme, à qui la vie est enlevée, s’adjoindrait-elle le pouvoir de sentir ? Au contraire, en recevant la vie, le corps prend sa part des sensations et des affections qui en dérivent. Donc, il aura le désir : car c’est lui qui jouit de choses qu’il désire. Il éprouvera de la crainte pour lui-même ; car c’est lui qui manquera le plaisir et qui sera détruit. ENNÉADES – Bréhier: I, 1 (53) – Qu’est-ce que l’animal ? Qu’est-ce que l’homme ? 4

Dans la chance adverse, son bonheur n’est pas amoindri : il est immuable, comme la vie qu’il possède ; quand ses proches ou ses amis meurent, il sait ce qu’est la MORT, et ceux qui la subissent le savent aussi, s’ils sont des sages ; la perte de ses proches et de ses parents n’émeut en lui que la partie irrationnelle dont les peines ne l’atteignent pas. ENNÉADES – Bréhier: I, 4 (46) – Du bonheur 4

– Alors, pourquoi l’homme heureux veut-il les garder et repousse-t-il leurs contraires ? – Nous dirons qu’ils apportent leur part non pas au bonheur, mais à l’existence ; les incommodités contraires tendent à lui faire perdre l’existence, ou font obstacle au bonheur qui est notre fin ; non qu’elles le suppriment ; mais celui qui possède la chose la meilleure veut la posséder seule et sans rien d’autre ; or les incommodités, si elles ne suppriment pas le bonheur par leur présence, existent pourtant à côté de lui. Mais si l’homme heureux éprouve un désavantage qu’il n’a pas voulu, rien ne lui est enlevé de son bonheur ; sinon, chaque jour, avec tous les changements qu’il éprouve, il déchoirait de son bonheur ! Par exemple, il peut perdre son enfant ou sa fortune ; il peut arriver mille accidents contraires à sa volonté ; mais ces accidents n’ébranlent pas la fin qu’il a atteinte. – Oui, dit-on, les accidents vulgaires, mais non les grands malheurs. – Qu’y-a-t-il d’assez grand dans les choses humaines pour ne pas être dédaigné par celui qui les a surmontées et n’a plus d’attache aux choses d’en bas ? Et s’il estime que l’heureuse fortune, si haute qu’elle soit, n’est pas une grande chose, même celle d’un roi, d’un souverain de cités et de peuples, d’un fondateur de colonies et de cités (cette fortune fût-elle la sienne), pourquoi considérera-t-il comme une grande chose la chute d’un empire et le bouleversement de sa cité ? Et s’il estimait que c’est un grand mal ou même un mal, il aurait une opinion ridicule et ne serait plus un sage. Voilà de grandes choses ! Du bois, de la pierre, et, par Zeus, la MORT d’êtres MORTels ; et c’est lui, disons-nous, qui devrait avoir cette doctrine que la MORT vaut mieux que la vie avec le corps ! S’il sert de victime, regarde-t-il la MORT comme un mal pour lui, parce qu’il est MORT près des autels ? S’il n’est pas enterré, son corps pourrira aussi bien sur terre que sous terre. S’il est enterré sans luxe et sans épitaphe, si on ne l’a pas jugé digne d’un tombeau élevé, c’est de la petitesse d’esprit d’en souffrir. Est-il emmené comme prisonnier de guerre ? Il a une voie pour s’en aller, s’il ne lui est plus possible d’être heureux. Mais ce sont ses proches qui sont faits prisonniers, par exemple ses brus ou ses filles… (Quoi donc ! dirons-nous ; s’il meurt sans avoir vu choses pareilles, va-t-il croire, en s’en allant, qu’elles étaient impossibles ? Ce serait bien absurde ; il croira plutôt qu’il était possible que les siens tombent en de tels malheurs. Et parce qu’il croit que ces malheurs arriveront, en sera-t-il moins heureux ? Certainement, malgré cette croyance, il est heureux ; il est donc aussi heureux quand ils arrivent. Il réfléchit que la nature de ce monde est telle qu’il faut supporter ces accidents et s’y prêterla.) Bien des prisonniers de guerre sont plus heureux qu’auparavant ; et si leurs maux leur pèsent, il dépend d’eux de quitter la vie ; s’ils restent, ou bien ils ont raison, et leur sort n’a rien de redoutable, ou bien ils n’ont pas raison, ils restent, alors qu’il faut partir, et ils sont cause de leur malheur15. Et pour la sottise d’autrui et même de ses proches, le sage ne se rendra pas lui-même malheureux ; il ne liera pas son sort à la bonne chance ou à la malchance des autres. ENNÉADES – Bréhier: I, 4 (46) – Du bonheur 7

Et ses souffrances personnelles ? – Lorsqu’elles sont violentes, il les supportera tant qu’il pourra ; lorsqu’elles dépassent la mesure, elles l’emporteront. Il n’excitera pas la pitié par ses souffrances ; la flamme qui est en lui brille comme la lumière de la lanterne dans les tourbillons violents des vents et dans la tempête. – Et s’il perd conscience ? Et si la douleur se prolonge sans être pourtant assez forte pour l’anéantir ? – Si elle se prolonge, il décidera ce qu’il doit faire ; car son libre arbitre ne lui est pas enlevé. Il faut savoir que le sage n’envisage pas ces impressions de la même manière que les autres ; elles ne pénètrent pas dans l’intimité de lui-même ; et cela est aussi vrai des autres impressions que des douleurs, de ses propres souffrances ou des souffrances d’autrui ; car ce serait faiblesse d’âme. La preuve ? C’est un avantage, pensonsnous, de ne pas voir ces malheurs ; c’est un avantage, s’ils arrivent, qu’ils n’arrivent qu’après notre MORT ; et ainsi nous ne songeons pas à l’intérêt de ceux qui restent, mais au nôtre propre, qui est de ne pas souffrir. Voilà notre faiblesse ; il faut l’extirper et ne pas nous laisser effrayer par les événements. – Mais, dit-on, c’est un penchant naturel de souffrir du malheur de ses proches. – Que l’on sache bien que tout le monde n’est pas ainsi, et que le rôle de la vertu est de conduire les instincts communs à tous à une forme meilleure et plus belle que chez le vulgaire ; et il est beau de ne pas céder aux événements que redoute notre instinct. Il ne faut pas ignorer l’art de la lutte ; il faut prendre ses dispositions comme un habile athlète, dans la lutte contre les coups du sort ; il faut savoir qu’ils sont insupportables pour certaines natures, mais qu’ils sont supportables pour la sienne ; ils ne sont pas terribles, et seuls des enfants les redoutent ! – Le sage les veut-il donc ? — Non pas ; mais la présence de la vertu rend son âme inébranlable et impassible, même dans les événements qu’il n’a pas voulus. ENNÉADES – Bréhier: I, 4 (46) – Du bonheur 8

Il faut donc vous demander aussi ce qu’est l’œuvre de l’amour pour les choses non sensibles. Que vous font éprouver ces «belles occupations» dont on parle, les beaux caractères, les moeurs tempérantes et, en général, les actes ou dispositions vertueuses et la beauté de l’âme ? Et, en voyant vous-même votre beauté intérieure, qu’éprouvez-vous ? Que sont cette ivresse, cette émotion, ce désir d’être avec vous-même en vous recueillant en vous-même et hors du corps ? Car c’est ce qu’éprouvent les vrais amoureux. Et à propos de quoi l’éprouvent-ils ? Non pas à propos d’une forme, d’une couleur, d’une grandeur, mais à propos de l’âme qui est sans couleur et où brille invisiblement l’écart de la tempérance et des autres vertus ; vous l’éprouvez en voyant en vous-même ou en contemplant en autrui la grandeur d’âme, un caractère juste, la pureté des mœurs, le courage sur un visage ferme, la gravité, ce respect de soi-même qui se répand dans une âme calme, sereine et impassible et, par-dessus tout, l’éclat de l’Intelligence qui est d’essence divine. Donc ayant pour toutes choses inclination et amour, en quel sens les disons-nous belles ? Car elles le sont manifestement et quiconque les voit affirmera qu’elles sont les vraies réalités. Mais que sont ces réalités ? Belles sans doutes ; mais la raison désire encore savoir ce qu’elles sont pour rendre l’âme aimable. Qu’est-ce donc qu brille sur toutes les vertus comme une lumière ? Veut-on, en s’attachant à leurs contraires, aux laideurs de l’âme, les poser par opposition ? Car il serait peut-être utile à l’objet de notre recherche de savoir ce qu’est la laideur et pourquoi elle se manifeste. Soit donc une âme laide, intempérante et injuste ; elle est pleine de nombreux désirs et du plus grand trouble, craintive par lâcheté, envieuse par mesquinerie ; elle pense bien, mais elle ne pense qu’à des objets MORTels et bas ; toujours oblique, inclinée aux plaisirs impurs, vivant de la vie des passions corporelles, elle trouve son plaisir dans la laideur. Ne dirons-nous pas que cette laideur elle-même est survenue en elle comme un mal acquis, qui la souille, la rend impure et y mélange de grand maux ? De sorte que sa vie et ses sensations ont perdu leur pureté ; elle mène une vie obscurcie par le mélange du mal, une vie mélangée en partie de MORT ; elle ne voit plus ce qu’une âme doit voir ; il ne lui est plus permis de rester en elle-même, parce qu’elle est obscure. Impure, emportée de tous côtés par l’attrait des objets sensibles, contenant beaucoup d’éléments corporels mêlés en elle, ayant en elle beaucoup de matière et accueillant une forme différente d’elle, elle se modifie par ce mélange avec l’intérieur ; c’est comme si un homme plongé dans la boue d’un bourbier ne montrait plus la beauté qu’il possédait, et si l’on ne voyant de lui que la boue dont il enduit ; la laideur est survenue en lui par l’addition d’un élément étranger, et s’il doit redevenir beau, c’est un travail pour lui de se laver et de se nettoyer pour être ce qu’il était. Nous aurons donc raison de dire que la laideur de l’âme vient de ce mélange, de cette fusion, et de cette inclination vers le corps et vers la matière. La laideur, pour l’âme, c’est de n’être ni propre ni pure, de même que pour l’or, c’est d’être plein de terre : si on enlève cette terre, l’or reste ; et il est beau quand on l’isole des autres matières et qu’il est seul avec lui-même. De la même manière, l’âme isolée des désirs qui lui viennent du corps, avec qui elle a une union trop étroite, affranchie des autres passions, purifiée de ce qu’elle contient quand elle est matérialisée, et restant toute seule, dépose toute la laideur qui lui vient d’une nature différente d’elle. ENNÉADES – Bréhier: I, 6 (1) – Du Beau 5

Car suivant un vieux discours, la tempérance, le courage, toute vertu et la prudence elle-même sont des purifications. C’est pourquoi les mystères disent à mots couverts que l’être non purifié, même dans l’Hadès, sera placé dans un bourbier, parce que l’être impur aime les bourbiers, à cause de ses vices, comme s’y complaisent les porcs, dont le corps est impur. En quoi consisterait donc la véritable tempérance sinon à ne pas s’unir aux plaisirs du corps, mais à les fuir parce qu’ils sont impurs et ne sont pas ceux d’un être pur ? Le courage consiste à ne pas redouter la MORT. Or la MORT est la séparation de l’âme et du corps. Il ne redoutera pas cette séparation, celui qui aime à être isolé du corps. La grandeur d’âme est le mépris des choses d’ici-bas. La prudence et la pensée qui se détourne des choses d’en bas et conduit l’âme vers le haut. L’âme, une fois purifiée, devient donc une forme, une raison ; elle devient toute incorporelle, intellectuelle ; elle appartient tout entière au divin, où est la source de la Beauté, et d’où viennent toutes les choses du même genre. Donc l’âme réduite à l’intelligence est d’autant plus belle. Mais l’intelligence et ce qui en vient, c’est, pour l’âme, une beauté propre et non pas étrangère, parce que l’âme est alors réellement isolée. C’est pourquoi l’on dit avec raison que le bien et la beauté de l’âme consistent à se rendre semblable à Dieu, parce que de Dieu viennent le Beau et toute ce qui constitue le domaine de la réalité. Mais la beauté est une réalité vraie, et la laideur une nature différente de cette réalité. C’est la même chose qui, primitivement, est bonne et belle, ou qui est le bien et la beauté. Il faut donc rechercher, par des moyens analogues, le beau et le bien, le laid et le mal. Il faut poser d’abord que la beauté est aussi le bien ; de ce bien, l’intelligence tire immédiatement sa beauté ; et l’âme est belle par l’intelligence : les autres beautés, celles des actions et des occupations, viennent de ce que l’âme y imprime sa forme ; l’âme fait aussi tout ce qu’on appelle les corps ; et, étant un être divin et comme une part de la beauté, elle rend belles toutes les choses qu’elle touche et qu’elle domine, pour autant qu’il leur est possible de participer à la beauté. ENNÉADES – Bréhier: I, 6 (1) – Du Beau 6

– Si la vie c’est le bien, le bien appartient à tout être vivant ? – Non ; chez le méchant, la vie est toute boiteuse ; de même l’oeil, qui ne voit pas distinctement, n’accomplit pas sa fonction. – Si la vie, même la nôtre dans laquelle le mal se trouve mélangé, est un bien, comment la MORT n’est-elle pas un mal ? – Un mal pour qui ? Car le mal doit arriver à un être ; mais le MORT n’est plus ou, s’il existe, il est privé de vie et souffre moins de mal qu’une pierre (NT: Idée d’origine épicurienne, qu’on retrouve aussi dans le mysticisme hermétique.). – Mais la vie et l’âme existent après la MORT. – La MORT est donc un bien pour l’âme, d’autant que, sans le corps, elle exerce davantage son activité propre. Et si elle fait partie de l’âme universelle, quel mal y a-t-il pour elle quand elle existe en cette âme ? ENNÉADES – Bréhier: I, 7 (54) – Du premier bien et des autres biens 3

D’une manière générale, les dieux possèdent le bien sans aucun mal, et il en est ainsi de l’âme qui conserve sa pureté ; et, si elle ne la conserve pas, ce n’est pas la MORT qui est un mal pour elle, mais la vie. Et, s’il y a des châtiments dans l’Hadès, la vie y est encore un mal pour elle, parce que sa vie n’est pas pure. ENNÉADES – Bréhier: I, 7 (54) – Du premier bien et des autres biens 3

D’ailleurs, si la vie est l’union de l’âme et du corps, et la MORT leur séparation, l’âme est également propre à recevoir la vie et la MORT. ENNÉADES – Bréhier: I, 7 (54) – Du premier bien et des autres biens 3

Mais, dans le cas où la vie est vertueuse, comment la MORT n’est-elle pas un mal ? – Dans ce cas, la vie est un bien ; mais elle est un bien, non pas en tant qu’elle est l’union de l’âme et du corps, mais parce qu’elle se défend contre le mal grâce à la vertu ; et la MORT est plutôt un bien. Ou bien il faut dire que la vie dans le corps est en elle-même un mal ; l’âme se trouve dans le bien par la vertu, non pas en vivant comme un être composé, mais en se séparant du corps. ENNÉADES – Bréhier: I, 7 (54) – Du premier bien et des autres biens 3

Ce court traité, qui appartient à l’extrême vieillesse de Plotin, est un témoignage de l’importance croissante que prennent les questions morales dans les oeuvres de sa dernière période. La théorie du Bien est en effet présentée ici moins dans sa signification métaphysique que dans son usage moral ; Plotin réfute brièvement les objections qu’Aristote adressait, dans le chapitre VI du livre I de l’ Ethique à Nicomaque, à l’idée platonicienne du Bien, envisagée comme fin morale. Et c’est contre Aristote qu’il invoque le secours de la théologie aristotélicienne elle-même, avec son Dieu qui est le suprême désirable. Mais il est clair que cette réfutation n’a de sens qu’au prix d’un changement complet dans l’axe de la vie morale ; les arguments d’Aristote contre Platon tiraient toute leur valeur du point de vue pratique d’Aristote ; l’Idée platonicienne du Bien n’est point en effet quelque chose que l’on puisse acquérir par l’action ; ils perdent leur valeur, dès que le but devient une union au Bien par assimilation. C’est ce que fait voir la manière dont Plotin traite, au dernier chapitre, le problème de la MORT. ENNÉADES – Bréhier: I, 7 (54) – Du premier bien et des autres biens Notice du Traducteur

Cette courte prédication, destinée à empêcher le suicide, ne peut avoir été écrite, comme on l’a quelquefois pensé, à l’occasion de l’accès de mélancolie qui donna à Porphyre le désir de quitter la vie ; car elle date d’une époque antérieure à l’arrivée de Porphyre dans l’école ; elle emprunte presque tous ses traits à la prédication morale populaire contre le suicide, telle qu’on la trouve chez Épictète ; elle a, sans doute, dans la diatribe, des modèles plus anciens. Elle dépasse en effet singulièrement les courtes indications du Phédon sur la question. Deux des arguments (il faut attendre la dissolution naturelle des liens du corps et de l’âme ; le temps de la MORT est fixé par le destin) sont des arguments stoïciens (Épictète, I, 29, 28). L’argument final (il faut vivre pour progresser moralement) et le troisième (le suicide est le résultat des passions) répondent aussi à des préoccupations d’Épictète (I, 29, 29 ; I, 1, 26). Le quatrième argument (il faut accepter même la folie) est la négation de l’opinion contraire généralement acceptée par les Stoïciens (cf. Marc Aurèle, III, 1), mais qui ne paraît pas être celle d’Épictète (NT: Entretiens, II, 17, 33 ; cf. Bonhöffer, Ethik des Stoiker Epictets, Stuttgart, 1894, p. 32.). Restent quelques traits qui viennent d’une inspiration différente ; la citation de l’oracle chaldaïque au début, la croyance que le suicide ne rompt pas les liens avec le corps, et celle que le poison a une action nocive sur l’âme. Ce sont vraisemblablement des idées d’origine pythagoricienne (NT: Cumont, « Comment Plotin détourna Porphyre du suicide », Revue des Études grecques, 1919, p. 153.). ENNÉADES – Bréhier: I, 9 (16) – DU SUICIDE RAISONNABLE Notice du Traducteur

Mais voici encore, sur ce point, des considérations plus exactes. Les événements que les devins prédisent d’après le rapport de position des astres à la naissance d’un enfant, sont, disent-ils, non seulement annoncés mais produits par les astres. Mais lorsque l’on dit (en tirant l’horoscope d’un enfant), qu’il est de naissance noble, par son père ou par sa mère, comment dire que les astres produisent cette noblesse, puisqu’elle existait chez les parents, avant la situation des astres qui sert à la prédire ? D’ailleurs, ils prétendent connaître le sort des parents d’après l’horoscope des enfants ; d’après celui des pères, ils prédisent le caractère et le sort d’enfants qui ne sont pas encore nés ; ils annoncent, d’après l’horoscope d’un individu, la MORT de son frère, d’après celui d’une femme, le sort de son mari, ou inversement. Comment donc, à la naissance d’un individu donné, la position des astres produirait-elle des effets qu’ils déclarent eux-mêmes venir de ses parents ? Si les parents, qui sont antérieurs à cette conjonction, sont les causes véritables, les astres ne le sont pas. D’autre part, si l’on ressemble à ses parents, c’est que la beauté et la laideur viennent de famille, et non du mouvement des astres. Il est constant, que, en un même moment, naissent des animaux de toute espèce et des hommes ; or tous les êtres, pour qui la conjonction des astres est la même, devraient avoir des caractères identiques. Comment donc, avec ces figures identiques des astres, naissent à la fois des hommes et d’autres êtres ? ENNÉADES – Bréhier: III, 1 (3) – Du destin 5

– Quel démon nous mène donc ? Un démon qui est ici-bas. Quel dieu ? Est-ce bien un dieu ici-bas ? Car c’est une faculté agissante que chacun a pour guide, parce qu’elle le dirige ici-bas. Cette faculté est-elle donc le démon auquel est échue notre vie ?-Nullement ; ce démon est un principe supérieur à cette faculté ; il préside à notre vie sans agir lui-même, et c’est la faculté inférieure qui agit. Par exemple, si notre faculté active est la sensibilité, notre démon est un principe raisonnable ; si nous vivons d’une vie conforme à la raison, notre démon est un principe supérieur à la faculté de la raison ; il préside à notre vie sans agir lui-même, et permet à notre faculté rationnelle d’entrer en activité. C’est pourquoi Platon dit avec raison que « nous choisirons notre démon » ; car en choisissant un genre de vie, nous choisissons un démon supérieur à cette vie. – Pourquoi, alors, nous « conduit-il ? » – Il ne peut conduire l’être qui a achevé sa vie ; auparavant, il nous conduit pendant toute la durée de notre vie ; mais, une fois la vie terminée, l’on obéit à un autre démon, parce que l’on est MORT à la vie en acte. ENNÉADES – Bréhier: III, 4 (15) – Du démon qui nous a reçus en partage 3