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La purification est-elle identique à la vertu, prise en ce second sens, ou la vertu est-elle la conséquence de la purification ? La vertu consiste-t-elle dans l’acte de se purifier ou dans l’état de pureté qui suit cet acte ? La vertu qui est dans l’acte est moins parfaite que celle qui est dans l’état ; car l’état est comme l’achèvement de cet acte. Mais l’état de pureté n’est que la suppression en nous de tout élément étranger, et le bien est quelque chose de différent. Si l’être qui se purifie était bon avant d’être devenu impur, la purification suffirait. Certes il suffira, et le bien sera l’élément qui subsiste et non pas donc la purification. Mais quelle est cette nature qui subsiste après la purification ? Est-ce le bien ? Non sans doute ; car, s’il préexistait, il aurait été dans l’être mauvais, ce qui n’est pas possible. – Faut-il dire que cette nature a la forme du bien ? Elle n’est pas capable de rester attachée au bien véritable ; car elle incline naturellement vers le mal comme vers le bien. Le bien pour elle est l’union avec l’être dont elle est parente, le mal l’union avec les êtres contraires à celui-ci. La purification est donc nécessaire à l’union ; elle s’unira au Bien en se tournant vers lui. – Maintenant, la conversion suit-elle la purification ? – Non, elle est chose faite après la purification. – La vertu est-elle donc cette conversion ? – Non pas, mais ce qui résulte pour l’âme de la conversion. – Qu’est-ce donc ? – C’est la contemplation et l’empreinte des objets intelligibles ; cette contemplation est posée en acte dans l’âme, comme la vision de l’OEIL est produite par l’objet visible. – N’est-il pas vrai qu’elle possédait ces objets, mais sans en avoir de réminiscence ? – Oui, elle les possédait, mais ils n’étaient pas en acte ; ils étaient déposés dans une région obscure de l’âme ; pour les éclaircir et pour savoir qu’elle les a en elles, elle doit recevoir l’impression d’une lumière qui l’éclaire. Elle possédait non pas ces objets mêmes, mais leurs empreintes ; il faut donc qu’elle conforme l’empreinte aux réalités dont elle est l’empreinte. Elle les possède ; cela veut dire sans doute que l’intelligence n’est pas étrangère à l’âme ; elle ne lui est pas étrangère, en particulier, lorsque l’âme tourne vers elle ses regards ; sinon, bien que présente à l’âme, elle lui est étrangère. Il en est ainsi de nos connaissances scientifiques ; si nous ne les contemplons jamais actuellement, elles nous deviennent étrangères. ENNÉADES – Bréhier: I, 2 (19) – Des vertus 4

– Si la vie c’est le bien, le bien appartient à tout être vivant ? – Non ; chez le méchant, la vie est toute boiteuse ; de même l’OEIL, qui ne voit pas distinctement, n’accomplit pas sa fonction. – Si la vie, même la nôtre dans laquelle le mal se trouve mélangé, est un bien, comment la mort n’est-elle pas un mal ? – Un mal pour qui ? Car le mal doit arriver à un être ; mais le mort n’est plus ou, s’il existe, il est privé de vie et souffre moins de mal qu’une pierre (NT: Idée d’origine épicurienne, qu’on retrouve aussi dans le mysticisme hermétique.). – Mais la vie et l’âme existent après la mort. – La mort est donc un bien pour l’âme, d’autant que, sans le corps, elle exerce davantage son activité propre. Et si elle fait partie de l’âme universelle, quel mal y a-t-il pour elle quand elle existe en cette âme ? ENNÉADES – Bréhier: I, 7 (54) – Du premier bien et des autres biens 3

D’où vient que les objets éloignés paraissent plus petits et que, à une grande distance, ils paraissent être à un intervalle peu considérable, tandis que les objets voisins sont vus avec leur vraie grandeur et à leur vraie distance ? Les objets paraissent-ils plus petits parce que la lumière tend à se rassembler vers l’OEIL et à s’ajuster à la grandeur de la pupille ? ENNÉADES – Bréhier: II, 8 (35) – Pourquoi les objets vus de loin paraissent-ils petits ? 1

Est-ce que, plus la matière de l’objet visible est éloignée, plus la forme arrive à l’ceil, isolée de la matière ? Et la grandeur, comme la qualité, est sans doute une forme ; mais la forme de la qualité arriverait seule jusqu’à l’OEIL. ENNÉADES – Bréhier: II, 8 (35) – Pourquoi les objets vus de loin paraissent-ils petits ? 1

… – Alors les couleurs ne se rapetissent pas, elles s’effacent, tandis que les grandeurs se rapetissent. – Mais il y a dans les couleurs et les formes un caractère commun, c’est l’amoindrissement qui, pour les couleurs, est effacement, et, pour les grandeurs, diminution ; et la grandeur diminue en proportion de l’effacement de la couleur. C’est ce qui devient plus clair dans un panorama varié ; voyez une colline qui porte des maisons, des jardins, d’autres choses encore ; si chacun de ces objets est vu distinctement, l’on peut mesurer l’étendue de l’ensemble ; mais quand chaque objet ne présente pas un aspect distinct, on devient incapable de mesurer détail par détail et de connaître ainsi la grandeur totale de la colline. Et même, des objets voisins de nous et fort variés, sur qui l’on jette un coup d’œil d’ensemble, sans regarder tous leurs détails, paraissent d’autant plus petits que chacun d’eux s’est dérobé plus vite à nos regards ; lorsqu’on en voit le détail, on les mesure exactement, et l’on connaît leur grandeur totale. Si l’on regarde des objets de même aspect et de teinte uniforme, l’on se trompe en estimant leur grandeur, parce que la vue ne peut les mesurer partie par partie ; elle glisse sur eux, sans trouver aucune différence d’aspect qui lui permette de s’arrêter à chacun d’eux. C’est pourquoi un objet éloigné peut nous paraître voisin ; l’étendue qui est entre nous et cet objet se contracte. Et c’est pourquoi nous percevons exactement la grandeur des objets voisins. Mais dès que l’OEIL ne peut saisir le détail des qualités d’un objet éloigné, il ne peut pas dire davantage quelle est sa grandeur. ENNÉADES – Bréhier: II, 8 (35) – Pourquoi les objets vus de loin paraissent-ils petits ? 1

La diminution des objets vient-elle de la diminution des angles sous lesquels on les voit ? Non, nous l’avons dit ailleurs4. Ajoutons encore ici que, tout en attribuant la diminution de l’objet à celle de l’angle visuel, l’on admet que le reste de l’OEIL perçoit des objets qui ne tombent pas sous cet angle, au moins des objets tels que l’atmosphère. Mais supposons un très grand objet, une montagne, qui occupe l’ceil entier ; elle est égale au champ visuel, et ne permet de rien voir en dehors d’elle, parce que la dimension de l’OEIL lui correspond, ou même que l’objet dépasse des deux côtés ce que le regard peut embrasser ; qu’aurait-on à dire en ce cas, puisque l’objet apparaît bien plus petit qu’il n’est et pourtant occupe tout le champ de la vision ? On comprendra, sans contestation possible, ce que je veux dire, en regardant le ciel. On ne peut voir d’un seul regard un hémisphère tout entier ; la vue ne saurait s’étendre en un si grand espace ; pourtant, admettons-le, si l’on veut, la vue embrasse donc l’hémisphère entier ; la grandeur de cet hémisphère, dans la voûte céleste, est égale à un grand nombre de fois sa grandeur apparente ; comment donc expliquer par une diminution de l’angle visuel que la grandeur apparente soit considérablement inférieure à la grandeur réelle ? ENNÉADES – Bréhier: II, 8 (35) – Pourquoi les objets vus de loin paraissent-ils petits ? 2

Donc première question : qui est Aphrodité ? Ensuite, l’amour est-il né d’elle ou seulement en même temps qu’elle, ou alors comment peut-il être à la fois né d’elle et en même temps qu’elle ? Il y a une double Aphrodité, l’Aphrodité céleste qui est, dit-on, fille d’Ouranos, et une autre qui est fille de Zeus et de Dioné, et qui préside aux marialges humains’. La première n’a pas de mère, et ne préside pas aux mariages, parce qu’il n’y a pas de mariage dans le ciel. L’Aphrodité céleste est la fille de Cronos, qui est l’intelligence ; elle est donc l’âme divine par excellence ; née sans intermédiaire d’un être pur, elle est pure et elle reste là-haut ; elle ne peut ni ne veut descendre ici-bas ; sa nature l’empêche de fouler notre sol terrestre ; elle est une hypostase séparée de la matière, une essence qui ne participe pas à la matière ; c’est ce qu’on a voulu laisser entendre, en disant qu’elle n’a pas de mère. Il est juste de dire qu’elle est un être divin et non un démon, puisqu’elle est un être pur, sans mélange de matière et qui reste en lui-même. L’être qui naît immédiatement de l’intelligence est lui-même un être pur, qui tire la force qu’il a en lui de ce qu’il est près d’elle, et qui éprouve le désir de se fixer à son générateur, seul capable de le maintenir là-haut. Donc l’âme ne tombe pas, parce qu’elle est suspendue à l’intelligence, bien moins encore que ne tombe du soleil la lumière qui resplendit autour de lui, qui rayonne de lui et se suspend à lui. Guidée par Cronos ou si l’on veut par le père de Cronos, Ouranos, elle dirige son activité vers lui et s’incline à lui ; elle l’aime ; ainsi, elle engendre Éros, et avec lui, elle contemple Cronos ; cet acte de contemplation a produit une hypostase et une essence, et ils regardent Cronos l’un et l’autre, la mère et Éros, son bel enfant. Éros est l’hypostase éternellement dirigée vers une autre beauté ; il n’est que l’intermédiaire entre celui qui désire et l’objet désiré ; il est pour l’amant l’OEIL qui lui permet de voir son aimé ; de lui-même il court au devant de l’aimé et il se remplit de cette vision, avant même d’avoir donné à l’amant la faculté de voir par son organe. Il est le premier à voir: mais il ne voit pas comme l’amant; car l’objet de la vision se fixe dans l’amant, lui, il jouit du spectacle du beau qui le touche en passant. ENNÉADES – Bréhier: III, 3 (50) – De l’Amour 2