– Cette émanation reste-t-elle toujours dans le corps ? -Non pas ; tournons-nous là-haut, et elle s’y tourne avec nous. – Et l’âme de l’univers ? La portion qui en est émanée abandonnera-t-elle l’univers, quand l’âme se tournera en haut ? -Non, parce qu’elle ne s’était pas abaissée par sa portion inférieure. Elle ne vient pas, elle ne descend pas : elle reste. Le corps du monde s’attache à elle et en est comme illuminé, sans qu’elle en soit embarrassée ni ne prenne SOUCI ; car le monde est en sécurité. – Quoi ! n’en a-t-elle pas la sensation ? – « Elle n’a pas la vue », dit Platon, puisque l’univers n’a pas d’yeux, pas plus, c’est clair, qu’il n’a d’oreilles, de nez, ni de langue. ENNÉADES – Bréhier: III, 4 (15) – Du démon qui nous a reçus en partage 4
Donc le dieu (Cronos) est enchaîné, de manière à subsister toujours identique : il abandonne à son fils (Zeus) le gouvernement de cet univers ; c’est qu’il n’est pas conforme à son caractère de laisser là la souveraineté intelligible pour en rechercher une autre de date plus récente et au-dessous de lui, lui qui a la plénitude de beauté; quittant donc ce SOUCI, il fixe son propre père (Ouranos) en ses limites, en s’étendant jusqu’à lui vers le haut ; et, dans l’autre sens, il fixe aussi ce qui commence après lui, à partir de son fils : si bien qu’il est entre les deux, se distinguant de l’un grâce à la « mutilation » qui sectionne sa réalité du côté supérieur, retenu de descendre parce qu’il est enchaîné par celui qui vient après lui vers le bas, entre son père, qui lui est supérieur, et son fils, qui lui est inférieur. Et comme son père est encore supérieur à la beauté, il est la beauté première qui subsiste. L’âme aussi, sans doute, est belle ; mais il est bien plus beau qu’elle ; l’âme est son vestige ; par ce vestige, elle est naturellement belle, mais plus belle encore, quand elle porte là-bas ses regards. Si, pour parler plus clairement, l’âme de l’univers, qui est Aphrodité même, est belle, quelle beauté a-t-il donc ? Si elle tient sa beauté d’elle-même, combien sera-t-il beau ? Si elle la tient d’un autre, de qui donc a-t-elle acquis cette beauté et l’a-t-elle incorporée à son être ? Pour nous aussi être beau, c’est être à nous-mcme ; être laid, c’est se changer en une nature qui n’est plus la nôtre ; se connaître soi-même, c’est être beau ; être laid, c’est ignorer. Ce qu’on a dit suffit-il pour amener à comprendre clairement ce qu’est le lieu intelligible, ou faut-il revenir sur ce sujet en suivant une autre méthode ? ENNÉADES – Bréhier: V, 8 (31) – De la beauté intelligible 13