Montet (1990:9) – ousia

[…] l’ousia, bien au soleil, demeure, richesse, signifie la ferme, la demeure, les aîtres, avant d’être tramée dans la texture de la langue philosophique. Isocrate l’emploie encore en ce sens à l’époque classique : pour lui, hê uparkhousa ousia signifie «la propriété subsistante»6. Platon lui-même l’utilise selon cette acception : dans la République, où Socrate démontre que le chef du peuple, de protecteur devient tyran, lorsqu’il commence à partir en guerre «contre ceux qui possèdent des biens (prôs tous ékhontas tàs ousias)»1. Mais en outre, l’instrument qu’est le nom ousia se prête à un autre usage que celui de la langue courante, sans pour autant raturer ce sens premier : seule l’expérience grecque de la demeure, de la propriété, de l’habitation permet l’élaboration théorique du concept d’ousia, lequel agit en retour sur cette acception initiale. La modalité d’existence spécifique de la demeure, la manière dont elle tisse pour ceux qui l’habitent le lien d’une communauté, n’est pas sans écho, nous le verrons, dans la théorie platonicienne de l’ousia.

MONTET, D. Les Traits de l’être. Paris: Jérôme Millon, 1990.

  1. République VIII 566 a. Cf. aussi Criton 44 e et 53 b, Philèbe 48 e, Phèdre 292 c.