PHÚSIS (nature) (grec)
subs. fém.
Le terme phusis, qui dérive de la racine indo-européenne bhû-, laquelle a donné en sanskrit bhû- (comme verbe : « devenir », « se produire », « avoir lieu » ; comme nom : « terre », « sol », « lieu », « état », « condition »), peut désigner aussi bien l’origine, que le déroulement et le résultat de tout processus. Voilà pourquoi Aristote pourra qualifier de phusikoi (Phys., I 2, 184 b 17 ; III 5, 205 a 5) les premiers philosophes ; voilà aussi pourquoi la tradition a donné pour sous-titre au Timée, Péri phúseôs. Mais, pour pallier les deux tares qui selon lui grèvent la notion de phúsis : sa dimension matérielle (Lois X 892 b) et son absence de dessein (Soph. 265 c), Platon fait de l’âme, fabriquée par le démiurge et dotée d’un noûs, la source de tout mouvement. Ayant rejeté la notion de démiurge et celle d’âme du monde, Aristote se voit forcé de faire de la phusis la cause immanente de tout mouvement et donc de tout repos (Phys. II, 1, 192 b 8 sq). Le monisme, qui caractérise leur doctrine, amènera les stoïciens à identifier la Nature à Dieu qui est feu (Cicéron, De nat. deor., II 57) ; dans son rôle immanent et actif la phusis est logos (Sénèque, Des bienfaits IV 7). Pour Plotin, enfin, phusis et psúkhê sont inséparables. L’âme du monde tout comme celle de l’individu présente deux aspects différents : une dimension supérieure, la sagesse (phrônésis) qui contemple l’intelligible, et une dimension inférieure, la nature (phusis) qui produit en donnant ce qu’elle possède à la réalité corporelle et matérielle (Enn., IV 4 (28) 13). (L. Brisson) (NP)