IV. — Mais sais-tu bien ce que tu vas faire maintenant, ou cela t’échappe-t-il ? — A quel propos ? — Je veux dire que tu vas confier le soin de ton âme à un homme qui est, tu le reconnais, un sophiste ; mais qu’est-ce que peut bien être un sophiste, je serais surpris si tu le savais ; ou, si tu l’ignores, tu ne sais pas non plus à qui tu remets ton âme, si c’est pour ton bien ou pour ton mal. — Je crois le savoir. — Alors dis-le ; qu’est-ce qu’un sophiste, selon toi ? — Selon moi, c’est, comme le nom l’indique, un maître en savoir. — On peut en dire autant des peintres et des architectes : ce sont aussi des maîtres en savoir. Mais si l’on nous demandait en quoi les peintres sont des maîtres en savoir, nous répondrions sans doute que c’est dans l’exécution des portraits, et ainsi du reste. Mais si l’on nous posait cette question : Le sophiste, en quoi est-il un maître en savoir, que répondrions-nous ? en quel art est-il maître ? — Ce que nous répondrions, Socrate ? qu’il est maître en l’art de rendre les hommes habiles à parler. — La réponse serait peut-être juste, mais insuffisante ; car elle appelle une autre question : sur quoi le sophiste rend-il habile à parler ? Ainsi le joueur de cithare rend habile à parler sur la matière qu’il enseigne, l’art de jouer de la cithare ; n’est-ce pas vrai ? — Si. — Bien ; mais le sophiste, sur quoi rend-il habile à parler ? évidemment, n’est-ce pas, sur la matière où il est lui-même savant ? — Sans doute. — Mais quelle est la matière où le sophiste est lui-même savant et rend savant son élève ? — Par Zeus, je ne sais plus que te répondre.