Schelling (PM:102-105) – essência original do homem

destque

A essência originária do homem é [ser] senhor de si mesmo = A, não o simples A, mas é o A que tem B em si mesmo, reconhecidamente apenas como matéria e, portanto, como potência, mas ao mesmo tempo como possibilidade de ser-outro, de não-ser-A. Neste A que [contém] B em si mesmo como poder, A é o que é produzido, criado, A é o homem no sentido próprio (B é mais antigo do que o homem, é o princípio sedutor, e é também por isso que é mais poderoso do que o homem). Para este A, portanto ao homem, este poder é, por assim dizer, entregue para que ele o conserve, é entregue ao seu poder, ou o próprio A é a vontade na qual B é colocado. Ao mesmo tempo, notamos a este respeito que esta possibilidade não é nada e não pode fazer nada por si mesma, se a vontade não tomar o seu partido, e vimo-nos obrigados a dizer, involuntariamente, que esta possibilidade que não pode fazer nada por si mesma é a simples feminilidade, ao passo que a vontade pela qual ela é ou poderá tornar-se algo é a masculinidade. Esta expressão não foi arbitrária, mas natural e espontânea, e é por isso que também só é natural aos olhos da consciência mitológica. — Não deriva da dualidade genérica da natureza e não é simplesmente extrapolada para esses princípios inteligíveis, mas, pelo contrário, é do primeiro princípio de toda a existência (Daseyn) que deriva a dualidade dos gêneros na natureza.

Alain Pernet

L’essence originelle de l’homme est [d’être] maître de soi-même = A, non pas simple A, mais elle est A qui a B en soi, certes seulement comme matière et donc comme puissance, mais par là même comme possibilité de l’être-autre, du n’être-pas-A. Dans cet A qui [contient] B en soi comme puissance, A est ce qui est produit, créé, A est l’homme au sens propre (B est plus vieux que l’homme, il est le principe séducteur, c’est également pourquoi il est plus puissant que l’homme)1. A cet A, donc à l’homme, cette puissance est en quelque sorte remise pour qu’il la conserve, elle est livrée en son pouvoir, ou bien A même est la volonté en laquelle est placé B. Nous avons en même temps noté à ce sujet que cette possibilité n’est rien et ne peut rien pour soi, si la volonté ne se range de son parti, et nous nous sommes vu occasionné de dire, involontairement, que cette possibilité qui ne peut rien pour soi est simple féminité, tandis que la volonté de ce par quoi elle est ou pourra devenir quelque chose est masculinité. Cette expression n’était pas arbitraire, mais naturelle et venue spontanément, c’est pourquoi elle n’est aussi que naturelle aux yeux de la conscience mythologique. – Elle ne provient pas de la dualité générique dans la nature et n’est pas simplement extrapolée à ces principes intelligibles, mais, inversement, c’est du premier principe de toute existence (Daseyn) qu’est dérivée la dualité des genres dans la nature. Une conscience ultérieure, déjà philosophique, n’a-t-elle pas pu s’empêcher de considérer chez les Pythagoriciens les nombres comme des enfants engendrés par la Monade (l’unité, masculine) et la Dyade (le pouvoir-être + et –, féminin). Que si l’on a imaginé naguère cette possibilité de l’être-autre posée dans la conscience comme féminine, on se l’est représentée inévitablement aussi comme personne. Il n’y avait besoin pour cela d’aucune personnification <22 (156)> artificielle. Nous-même, lorsque nous parlons de cette archi-possibilité qui s’est présentée au Créateur, nous ne pouvons nous retenir de l’imaginer comme entité féminine, et donc comme personnelle, d’autant que nous l’avons imaginée comme l’archi-possibilité, c’est-à-dire comme la possibilité sans pareille, lui attribuant ainsi quelque chose d’individuel et de personnel. Certes, on ne sera pas tenté de représenter les simples notions abstraites d’une philosophie habituelle comme personnes. Mais la philosophie sur le sol de laquelle nous nous trouvons ici n’a pas à faire avec de simples concepts, mais avec de vraies réalités (Realität), avec des essentialités effectives. Cette archi-possibilité n’est pas une catégorie, c’est une entité effective, intelligible, bien que saisissable par le seul entendement, et rien d’universel (ce n’est pas la possibilité en général), mais la possibilité déterminée qui est la seule de son genre, qui n’existe qu’une fois. De même, lorsque nous disons : la puissance de l’être-autre posée dans la conscience originelle, à elle sous-jacente, cette puissance est Perséphone, nous ne songeons pas qu’elle soit signifiée par Perséphone ; pour la représentation mythologique elle est Perséphone, et inversement, Perséphone ne fait pas que signifier cette puissance de la conscience originelle, elle l’est en personne (selbst). Or, il me faut rappeler quelque chose qui est déjà apparu antérieurement. Le pouvoir-être maître de soi-même se possède en soi-même, parce que maître de soi-même, parce que conscience, il se possède comme possibilité ; cette possibilité posée dans la conscience, donc ce pouvoir-être posé dans la conscience et l’étant (Seyende) dans la conscience, ne sont [104] donc pas deux choses différentes, ni séparés, ni unis (ineinander), et vraiment ils ne font qu’un seul et même. Dans la mesure donc où, dans la conscience, l’étant (qui se comporte comme masculin ou comme la volonté) et le pouvoir-être (la possibilité de l’être-autre, qui se comporte comme féminine) sont encore unis – mais ils sont encore unis parce que le simple pouvoir n’être pas A est donc lui-même encore = à A, et non distinct de celui qui est A –, dans la mesure où ils sont donc unis, masculin et féminin sont unis également dans la conscience, c’est à dire que la conscience même est nature en quelque sorte androgyne. <23 (157)> Ceci présupposé – étant supposé que Perséphone n’est rien d’autre que la possibilité de l’être-autre, mais qui ne s’est point montrée selon la volonté, et ne se sait pas non plus comme opposée, c’est-à-dire comme féminine, – aussi longtemps que cette puissance est elle aussi dans l’ignorance au sujet de soi-même, elle est, comme nous avons accoutumé de dire, en état d’innocence, puisque masculin et féminin ne sont pas séparés (il n’y a pas de distinction entre les deux). L’innocence qui ne sait rien de la dualité générique est virginité – virginité n’étant pas en particulier féminité (elle peut être prédi-quée aussi du genre masculin), mais indécision de genre. Perséphone est donc la vierge, κόρη, et κατ’ ἐξοχήν, puisqu’elle est ainsi nommée, ή κόρη, la vierge. Perséphone est dans la conscience le pouvoir-être – donc le féminin, mais qui n’est pas encore opposé au masculin, ni encore posé comme le féminin – donc le virginal. Aussi longtemps que le pouvoir-être reste en cette pure essentialité (absence d’antithèse), il n’est assujetti à aucune nécessité, il est affranchi de toute contestation (Anfechtung)2. C’est pourquoi Perséphone est présentée dans le plus ancien philoso-phème mythologique (encore grec) comme demeurant en une citadelle inaccessible, soustraite à tout danger, comme celle sur laquelle on ne peut avoir de vues, qui est assurée contre toute subversion. Cette expression : Perséphone est comme sous une garde sûre, rappelle le mot des Pythagoriciens : ὑπό τοῦ θεοῦ ὥσπερ ἐν φρουρᾷ περιειλῆφθαι τὸ πᾶν3 (l’univers est maintenu par Dieu comme sous une garde ; rappelez-vous ce qui a été montré antérieurement, que l’homme en particulier est inclus entre les trois puissances divines). Mais il est encore plus facile de voir, en parfait accord avec ceci, que le récit primitif (mosaïque)4 situe l’homme originel dans le lieu de la joie, de la béatitude, de la joie et de la félicité κατ’ εξοχήν. Car tout, ici, est originel·, de même que la possibilité dont nous parlons est l’archi-possi-bilité, la possibilité de toutes les autres possibilités, de même que le hasard selon lequel l’homme apostasie, fait défection à son essence, <24 (158)> n’est pas un hasard simplement contingent, mais l’Archi-Hasard, la vraie Fortuna primigenia, le hasard dont proviendront les autres hasards, de même ce lieu de joie est le lieu de la joie κατ’ ἑξοχήν. Ce qui, dans ce mythe de Perséphone, tout comme chez les Pythagoriciens, reçoit le nom de citadelle ou de garde divine, est au fond caractérisé tout de la même façon dans le récit de l’Ancien Testament, que je ne considère [105] derechef, ici également, que comme un document de la plus haute antiquité. Pour celui-ci même, ce lieu de joie est un espace protégé, et lui aussi, il situe l’homme originel non pas en plein champ et dans l’illimité (ἄπειρον) – bien plutôt est-ce là qu’il sera ultérieurement chassé –, mais ce lieu de joie est pour lui un jardin. Or, un jardin n’est rien d’autre qu’un espace fermé, gardé. Le verbe dont provient le mot jardin en hébreu signifie : circumclusit, circum-munivit, septo conclusit, le mot arabe : texit, protexit, tutatus est. La notion de protection divine a également sa place ici. Ce qui est grand et partout égal à soi, les sentiments par lesquels un Sophocle nous émeut, les pensées par lesquelles un Pindare nous séduit, tout comme ce qui est vrai dans la mythologie (et c’est cela que nous cherchons, contre l’idée qu’elle serait une pure fable), et les conceptions que les Anciens ont énoncées au sujet du destin et de la vie humaine, se trouvaient déjà dans la mythologie et étaient en elle préformées, et les conceptions de ces grands Anciens se trouvent aussi chez Job et dans les Psaumes. Perséphone avant sa chute est comme sous une garde divine – et bienheureux, dit un Psaume, l’homme qui repose à l’ombre du Très Haut et qui demeure sous la protection du Tout Puissant 18. Il demeure sous la protection du Tout Puissant qui met son pouvoir à l’abri sans le dilapider. De même que l’on qualifie de noble l’homme qui ne fait pas tout ce qu’il peut (celui qui, par exemple, pourrait se venger, mais ne le fait pas), ainsi mérite d’être appelé pieux l’homme qui soumet son pouvoir à Dieu, l’enferme et le met en Dieu à l’abri. Les principes dont ici nous nous nous occupons sont aussi les principes les plus intérieurs de la philosophie ; mais on reconnaît la profondeur dans la vérité des principes philosophiques en ce qu’ils ont <25 (159)> en même temps la signification morale la plus profonde. Ne voyez donc pas dans ces considérations morales une digression. Reconnaissez-y le sérieux profond des principes que je tente d’éclaircir à vos yeux. – En allemand aussi le mot Garten signifie à l’origine toute place fermée, gardée ; apparenté au français garder (behüten), il a la signification générale d’un espace pacifié, protégé, enclos, et à une époque très ancienne Gard signifiait aussi une citadelle, comme il ressort des noms de tant de châteaux et de villes fortes à désinence “gard”.

SCHELLING, F.W.. Philosophie de la mythologie. Tr. Alain Pernet. Préface de Marc Richir. Postface de François Chenet. Grenoble: Jérôme Millon, 1994


  1. Dès qu’il est B, il n’est plus lui (l’homme). Il l’est en tant qu’ A. Car A est ce qui a été créé. 

  2. Cf. à ce sujet Creuzer, F. : Symbolik …, IV, p. 546. 

  3. Le mot est de Philolaos : (DK) 1414, 44 B 15. 

  4. Gn. 2 : 8 sq. 

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