Míguez
1. El Uno es todas las cosas y no es a la vez, ninguna de ellas. Porque es principio de todas las cosas, no es realmente todas las cosas. Y es, sin embargo, todas las cosas porque todas ellas retornan hacia El; y si no están todavía en El, seguro que llegarán a estarlo. Pero ¿cómo vienen todas las cosas del Uno, que es algo simple y que no muestra a través de sí mismo ninguna diversidad o duplicidad? Sin duda, porque ninguna cosa se da en El, sino que todas provienen de El; pues para que el ser sea, el Uno no puede ser él mismo el ser sino que será el generador del ser. El ser es, por tanto, lo primero que nace de El. El Uno es también perfecto porque nada busca ni nada posee ni de nada tiene necesidad. Siendo perfecto es igualmente sobreabundante, y su misma sobreabundancia le hace producir algo diferente de El. Lo que El produce retorna necesariamente hacia El, y, saciado de El y de su contemplación se convierte entonces en Inteligencia. Su propia estabilidad con respecto al Uno hace que lo vuelva ser, y su mirada dirigida al Uno hace que lo convierta en Inteligencia. Esto es, como se detiene para contemplar el Uno, se vuelve a la vez Inteligencia y ser.
Pero la Inteligencia, semejante como es al Uno, produce lo mismo que El esparciendo su múltiple poder. Lo que produce es una imagen de sí misma, al desbordarse de sí igual que lo ha hecho el Uno, que es anterior a ella. Este acto que procede del ser es lo que llamamos el Alma, en cuya generación la Inteligencia permanece inmóvil, lo mismo que ha permanecido el Uno, que es anterior a la Inteligencia, al producir la Inteligencia. Pero el Alma, en cambio, no permanece inmóvil en su acto de producción, sino que se mueve verdaderamente para engendrar una imagen de ella. Al volverse hacia el ser del que proviene se sacia de él, y al avanzar con un movimiento diferente y contrario, engendra esa imagen de sí misma que es la sensación, no sólo en la naturaleza sino también en las plantas. Y, sin embargo, nada aparece separado o cortado con respecto a lo anterior. Por lo cual, el alma semeja adelantarse hasta las plantas, y lo hace en un cierto sentido puesto que le pertenece el principio vegetativo que se da en ellas. Pero no se entrega por entero a las plantas, sino que al descender a éstas lo que hace es producir otra existencia por su avance y buena disposición hacia el mundo que le es inferior; ahora bien, por su parte superior, que sigue dependiendo de la Inteligencia, le es permitido permanecer inmóvil en sí misma.
Bréhier
1. L’Un est toutes les choses et il n’est aucune d’entre elles ; principe de toutes choses, il n’est pas toutes choses ; mais il est toutes choses ; car toutes font en quelque sorte retour à lui : ou plutôt, à son niveau, elles ne sont pas encore, mais elles seront. – Comment viennent-elles de l’Un, qui est simple et qui ne montre, dans son identité, aucune diversité et aucun repli ? – C’est parce qu’aucune n’est en lui, que toutes viennent de lui ; pour que l’être soit, l’Un n’est pas lui-même l’être, mais le générateur de l’être. Et l’être est comme son premier né. L’Un est parfait parce qu’il ne cherche rien, ne possède rien et n’a besoin de rien ; étant parfait, il surabonde, et cette surabondance produit une chose différente de lui. La chose engendrée se retourne vers lui, elle est fécondée, et tournant son regard vers lui, elle devient intelligence ; son arrêt, par rapport à l’Un, la produit comme être ; et son regard tourné vers lui, comme Intelligence. Et puisqu’elle s’est arrêtée pour le regarder, elle devient à la fois intelligence et être.
Etant semblable à l’un, elle produit comme lui, en épanchant sa multiple puissance ; ce qu’elle produit est une image d’elle-même ; elle s’épanche comme l’Un, qui est avant elle, s’est épanché. Cet acte, qui procède de l’être, est l’Âme ; et dans cette génération, l’Intelligence reste immobile ; de même l’Un qui est avant l’Intelligence, reste immobile en engendrant l’Intelligence.
Mais l’Âme, elle, ne reste pas immobile en produisant ; elle se meut pour engendrer une image d’elle-même ; en se tournant vers l’être d’où elle vient, elle est fécondée ; et, en avançant d’un mouvement différent et de sens inverse, elle engendre cette image d’elle-même qui est la sensation, et dans les plantes, la nature. Pourtant rien n’est séparé par une coupure de ce qui le précède ; c’est ainsi que l’âme semble s’avancer jusqu’aux plantes ; elle s’y avance en un sens, puisque le principe végétatif appartient à l’âme ; mais elle ne s’y avance pas tout entière ; elle vient dans les plantes, parce qu’en descendant jusque là dans la région inférieure, elle produit une autre existence dans cette procession même, et par bienveillance envers les êtres inférieurs ; mais pour cette partie supérieure d’elle-même qui se rattache à l’Intelligence et constitue sa propre intelligence, elle la laisse demeurer immobile en elle-même.
Bouillet
I. L’Un est toutes choses et n’est aucune de ces choses. Le principe de toutes choses ne peut pas être toutes choses; il est toutes choses seulement en ce sens que toutes choses coexistent en lui; mais, en lui, elles ne sont pas encore, elles seront. Comment donc de l’Un, qui est simple, identique, qui ne renferme aucune diversité ni dualité, la pluralité des êtres a-t-elle pu sortir? C’est parce qu’il n’y a rien en lui que tout peut en venir. Pour que l’Être fût, il fallait que l’Un ne fût pas l’Être, qu’il fût le père de l’Être, que l’Être fût son premier-né. Comme l’Un est parfait, qu’il n’acquiert rien, qu’il n’a ni besoin, ni désir, il a surabondé pour ainsi dire, et cette surabondance a produit une nature différente. Cette nature différente de l’Un s’est tournée vers lui, et par sa conversion, elle est arrivée à la plénitude [de l’Être]. Puis, elle a eu la puissance de se contempler elle-même, et elle s’est ainsi déterminée comme Intelligence. Donc, en se reposant auprès de l’Un, elle est devenue l’Être, et en se contemplant elle-même, l’intelligence. Enfin, en se fixant en elle-même pour se contempler, elle est devenue l’Être et l’intelligence à la fois.
De même que l’Un, l’intelligence a, par l’effusion de sa puissance, engendré une chose semblable à elle-même. De l’Intelligence a émané ainsi une image, comme de l’Un a émané l’Intelligence. L’acte qui procède de l’Être [et de l’intelligence] est l’Ame universelle. Elle naît de l’Intelligence et elle se détermine sans que l’intelligence sorte d’elle-même, comme l’intelligence elle-même a procédé de l’Un sans que l’Un sortit de son repos.
Quant à l’Ame universelle, elle ne reste pas en repos, elle entre en mouvement pour engendrer une image d’elle-même. D’un côté, en contemplant le principe dont elle procède, elle arrive à la plénitude ; d’un autre côté, en s’avançant dans une voie différente et opposée [à la contemplation de l’Intelligence], elle engendre une image d’elle-même, la Sensation et la Nature végétative. Rien cependant n’est détaché ni séparé du principe supérieur qui l’engendre. Ainsi, l’âme humaine paraît descendre jusque dans le végétal;1 elle y descend en tant que le végétal tient d’elle la vie. Cependant l’âme ne passe pas tout entière dans le végétal. Elle n’y est présente qu’autant qu’elle descend vers la région inférieure, qu’elle produit une autre substance en vertu de sa procession (προόδῳ),2 qu’elle s’abaisse à prendre soin des choses qui sont au-dessous d’elle. Mais la partie supérieure de l’âme, celle qui dépend de l’intelligence, laisse l’intelligence demeurer en soi-même.
[Que fait donc l’âme qui est dans la plante? N’engendre-t-elle rien? Elle engendre la plante dans laquelle elle réside. C’est ce qu’il faut examiner en prenant un autre point de départ.3]Guthrie
WHY FROM UNITY THIS MANIFOLD WORLD WAS ABLE TO COME FORTH.
1. The One is all things, and is none of these things. The Principle of all things cannot be all things. Ut is all things only in the sense that all things coexist within it. But in it, they “are” not yet, but only “will be.” How then could the manifold-ness of all beings issue from the One, which is simple and identical, which contains no diversity or duality? It is just because nothing is contained within it, that everything can issue from it. In order that essence might exist, the One could not be (merely) essence, but had to be the ‘father’ of essence, and essence had to be its first-begotten. As the One is perfect, and acquires nothing, and has no need or desire, He has, so to speak, superabounded, and this superabundance has produced a different nature. This different nature of the One turned towards Him, and by its conversion, arrived at the fulness (of essence). Then it had the potentiality of contemplating itself, and thus determined itself as Intelligence. Therefore, by resting near the One, it became Essence; and by contemplating itself, became Intelligence. Then by fixing itself within itself to contemplate itself, it simultaneously became Essence-and-Intelligence.
BY SIMILAR EFFUSION OF SUPERABUNDANCE INTELLIGENCE CREATED THE SOUL.
Just like the One, it was by effusion of its power that Intelligence begat something similar to itself. Thus from Intelligence emanated an image, just as Intelligence emanated from the One. The actualization that proceeds from Essence (and Intelligence) is the universal Soul. She is born of Intelligence, and determines herself without Intelligence issuing from itself, just as Intelligence itself proceeded from the One without the One ceasing from His reposef.
SIMILARLY THE UNIVERSAL SOUL, BY PROCESSION, BEGETS NATURE.
Nor does the universal Soul remain at rest, but enters in motion to beget an image of herself. On the one hand, it is by contemplation of the principle from which she proceeds that she achieves fulness; on the other hand, it is by advancing on a path different from, and opposed to (the contemplation of Intelligence), that she begets an image of herself, sensation, and the nature of growth. Nevertheless, nothing is detached or separated from the superior principle which begets her. Thus the human soul seems to reach down to within that of (plant) growth. She descends therein inasmuch as the plant derives growth from her. Nevertheless it is not the whole soul that passes into the plant. Her presence there is limited to her descent towards the lower region, and in so far as she produces another hypostatic substance, by virtue of her procession, which occurs by her condescension to care for the things below her. But the higher part of the Soul, that which depends on Intelligence, allows the Intelligence to remain within itself. . . .
What then does the soul which is in the plant do? Does she not beget anything? She begets the plant in which she resides. This we shall have to study from another standpoint.
MacKenna
1. The One is all things and no one of them; the source of all things is not all things; all things are its possession – running back, so to speak, to it – or, more correctly, not yet so, they will be.
But a universe from an unbroken unity, in which there appears no diversity, not even duality?
It is precisely because that is nothing within the One that all things are from it: in order that Being may be brought about, the source must be no Being but Being’s generator, in what is to be thought of as the primal act of generation. Seeking nothing, possessing nothing, lacking nothing, the One is perfect and, in our metaphor, has overflowed, and its exuberance has produced the new: this product has turned again to its begetter and been filled and has become its contemplator and so an Intellectual-Principle.
That station towards the one [the fact that something exists in presence of the One] establishes Being; that vision directed upon the One establishes the Intellectual-Principle; standing towards the One to the end of vision, it is simultaneously Intellectual-Principle and Being; and, attaining resemblance in virtue of this vision, it repeats the act of the One in pouring forth a vast power.
This second outflow is a Form or Idea representing the Divine Intellect as the Divine Intellect represented its own prior, The One.
This active power sprung from essence [from the Intellectual-Principle considered as Being] is Soul.
Soul arises as the idea and act of the motionless Intellectual-Principle – which itself sprang from its own motionless prior – but the soul’s operation is not similarly motionless; its image is generated from its movement. It takes fulness by looking to its source; but it generates its image by adopting another, a downward, movement.
This image of Soul is Sense and Nature, the vegetal principle.
Nothing, however, is completely severed from its prior. Thus the human Soul appears to reach away as far down as to the vegetal order: in some sense it does, since the life of growing things is within its province; but it is not present entire; when it has reached the vegetal order it is there in the sense that having moved thus far downwards it produces – by its outgoing and its tendency towards the less good – another hypostasis or form of being just as its prior (the loftier phase of the Soul) is produced from the Intellectual-Principle which yet remains in untroubled self-possession.
Taylor
I. The one is all things, and yet no one of all. For the principle of all is not all things; hut the one is all, because all things run as it were into it, or rather do not as yet exist, but will be. How, therefore, [does multitude proceed] from the one which is simple, and in which no variety, nor any duplicity present themselves to the view ? Is it because there was nothing in it, on this account all things are from it ? Hence, in order that being might exist, the one is not being, but being is the progeny of it, and as it were its first-born. For the one being perfect, in consequence of not seeking after, or possessing, or being in want of any thing, it becomes as it were overflowing, and the superplenitude of it produces something else. That, however, which is generated from it is converted to it, and is filled, and was generated looking to it. But this is intellect. And the permanency indeed of it about the one, produced being; but its vision of the one, intellect. When, therefore, it is established about the one, in order that it may see it, then it becomes at once intellect and being. Hence, being in the same manner as the one produces things similar to itself, through an effusion of abundant power. Its offspring also has the form of it, in the same manner as prior to this it likewise flowed forth from the one. And this energy from essence is soul, which was generated from intellect permanently abiding. For intellect also was generated, that which is prior to it abiding. Soul, however, does not produce abiding, but being moved generates an image of itself. Soul, therefore, looking thither whence it was generated, is filled. But proceeding into another and contrary motion, it generates an image of itself, viz., sense, and the nature which is in plants. Nothing, however, is separated or cut off from that which is prior to itself. Hence, also, the soul of man is seen to proceed as far as to plants. For after a certain manner it proceeds into them, because that which is in plants is derived from it. Nevertheless, the whole of the human soul is not in plants, but it is thus ingenerated in plants, because it so far proceeds into an inferior nature, having made another hypostasis by its progression into and propensity to that which is subordinate; since the soul which is prior to this, being suspended from intellect, permits intellect to abide in itself.
- L’âme humaine est conforme à l’Ame universelle qui produit la sensation dans l’animal et la végétation dans la plante. Voy. Enn. III, 4, § 1-2, t. II, p. 88-91.[↩]
- La procession (προόδος) est opposée à la conversion (ἐπιστροφή) et au retour à l’Un (ἀναγωγή). C’est la marche par laquelle toutes choses sortent du premier principe et s’engendrent les unes les autres en se développant de plus en plus, en s’éloignent ainsi de plus en plus de l’Un par leur pluralité. Voy. Enn. IV, 7, § 6; t. II, p. 489.[↩]
- Nous plaçons ici entre crochets une phrase qui dans toutes les éditions est mise à la fin du § 2 auquel évidemment elle n’appartient pas: car elle se rapporte à la procession des êtres, ce qui est le sujet du § 1, tandis que le § 2 ne traite que du retour à l’Un. Elle nous paraît ici compléter cette pensée de Plotin que l’âme, en vertu de sa procession, produit une puissance inférieure qui communique la vie à la plante.[↩]