Plotino – Tratado 36,6 (I, 5, 6) — Quinta dificuldade

Igal

6 —Entonces, ¿qué decir del desdichado? ¿No es más desdichado con la prolongación? Y todas las otras cosas desagradables ¿no hacen mayor la desgracia con la prolongación del tiempo, por ejemplo los dolores duraderos, las penas y todas las cosas de este tipo?

Ahora bien, si estas cosas acrecientan el mal de este [5] modo, con el tiempo, ¿por qué las contrarias no acrecientan la felicidad del mismo modo?

—Es que, en el caso de las penas y dolores, sí cabe decir que el tiempo produce un incremento, por ejemplo, el que la enfermedad sea crónica, porque se produce un estado y el cuerpo empeora con el tiempo. Porque si el cuerpo se mantuviera igual y el daño no aumentara, aun en este caso lo penoso sería siempre lo presente, a no ser que se le sume lo pasado habida cuenta de la persistencia de lo pretérito. Añádase a esto que, en el estado de desdicha, el mal se dilata con la prolongación del tiempo debido a que también se acrecienta el mal estado con su persistencia. El acrecentamiento de la desdicha se produce, pues, justamente por adición de una nueva cantidad, no por la prolongación de lo igual, mientras que lo que, siendo igual, es más prolongado no existe simultáneamente, y no hay que llamarlo más prolongado en absoluto sumando lo que ya no existe con lo que existe. Pero el estado de felicidad tiene su término y su límite y es siempre el mismo. Y si es verdad que aun en éste se produce un aumento paralelo al aumento del tiempo 1, de suerte que uno sea más feliz porque progresa al crecer en virtud, lo que se alaba en él no son los muchos años de felicidad contados, sino el crecimiento experimentado en el momento en que es mayor.

Bouillet

[6] Le malheureux ne devient–il pas plus malheureux avec le temps? Toutes les calamités, les souffrances, les chagrins, tous les maux analogues, ne s’aggravent–ils pas en proportion de leur durée? Mais, si dans tous ces cas le mal s’augmente avec le temps, pourquoi n’en serait–il pas de même dans les cas contraires? Pourquoi le bonheur ne s’augmenterait-il pas aussi (03) ?

Par rapport aux chagrins, aux souffrances, on peut dire avec raison que le temps y ajoute. Quand, par exemple, la maladie se prolonge et devient un état habituel, le corps s’altère de plus en plus profondément avec le temps. Mais si le mal reste toujours au même degré, s’il n’empire pas, on n’a à se plaindre que du présent. Veut–on au contraire tenir compte aussi du passé, c’est qu’alors on considère les traces que le mal a laissées, la disposition morbide dont le temps accroît l’intensité, parce que sa gravité est proportionnée à sa durée. Dans ce cas, ce n’est pas la longueur du temps, c’est l’aggravation du mal qui ajoute à l’infortune. Mais le nouveau degré ne subsiste pas en même temps que l’ancien, et il ne faut pas venir dire qu’il y a plus, en additionnant ce qui n’est plus avec ce qui est. Quant à la félicité, son caractère est d’avoir un terme bien fixe, d’être toujours la même. Si encore ici la longueur du temps amène quelque accroissement, c’est parce qu’un progrès dans la vertu en fait faire un dans le bonheur, et alors ce n’est pas le nombre des années de bonheur qu’on doit calculer, c’est le degré de vertu qu’on a fini par acquérir.

Bréhier

6. – Et l’homme malheureux ? Son malheur ne s’accroît-il pas avec le temps ? Tous les états pénibles, en durant plus longtemps, n’augmentent-ils pas notre malheur, par exemple, les longues souffrances, les douleurs et tous les états de ce genre ? Et, si leur durée suffit à augmenter notre mal, pourquoi n’en serait-il pas de même dans l’état contraire, le bonheur ? – Dans le cas des peines et des souffrances, l’on peut dire que leur durée les fait croître ; voici, par exemple, une maladie chronique ; elle devient une manière d’être permanente, et l’état du corps empire avec le temps. Supposons en effet qu’il reste le même et que le dommage n’augmente pas ; la peine qui est toujours un état présent sera aussi la même, dès que l’on ne fait pas entrer en compte l’état passé et que l’on n’y a pas égard. Mais le mal, en devenant un état chronique, s’accroît avec le temps ; il augmente, en devenant permanent ; et c’est à cause de cet accroissement de mal et non à cause de la plus grande durée d’un mal qui resterait égal à lui-même que nous devenons plus malheureux. Car, si le mal reste égal à luimême, comme les instants qui composent le surplus de durée n’existent pas simultanément, il ne faut pas dire que le mal en est plus grand ; ce serait compter ce qui n’est plus avec ce qui est.

Quant au bonheur, il a une limite fixe et toujours la mêmes. S’il s’accroît aussi avec le temps, de manière que nos progrès dans la vertu nous rendent plus heureux, ce n’est pas le compte de nos années de bonheur qui nous rend dignes d’éloge, c’est le degré supérieur de notre vertu, à l’instant même où nous y arrivons.

Guthrie

IF UNHAPPINESS INCREASE WITH TIME, WHY SHOULD NOT HAPPINESS DO SO?

6. (It is generally agreed that) all calamities, sufferings, griefs and similar evils are aggravated in proportion to their duration. If then, in all these cases, evil be increased with time, why should not the same circumstance obtain in the contrary case? Why should happiness also not be increased? Referring to griefs and sufferings, it might reasonably be said that they are increased by duration. When, for example, sickness is prolonged, and becomes a habitual condition, the body suffers more and more profoundly as time goes on. If, however, evil ever remain at the same degree, it does not grow worse, and there is no need of complaining but of the present. Consideration of the past evil amounts to considering the traces left by evil, the morbid disposition whose intensity is increased by time, because its seriousness is proportionate to its duration. In this case it is not the length of time, but the aggravation of the evil which adds to the misfortune. But the new degree (of intensity) does not subsist simultaneously with the old, and it is unreasonable to predicate an increase as summation of what is no more to what now is. On the contrary, it is the fixed characteristic of happiness to have a fixed term, to remain ever the same. Here also the only increase possibly due to duration of time depends on the relation between an increase in virtue and one in happiness; and the element to be reckoned with here is not the number of years of happiness, but the degree of virtue finally acquired.

MacKenna

6. Well, but take the unhappy man: must not increase of time bring an increase of his unhappiness? Do not all troubles- long-lasting pains, sorrows, and everything of that type- yield a greater sum of misery in the longer time? And if thus in misery the evil is augmented by time why should not time equally augment happiness when all is well?

In the matter of sorrows and pains there is, no doubt, ground for saying that time brings increase: for example, in a lingering malady the evil hardens into a state, and as time goes on the body is brought lower and lower. But if the constitution did not deteriorate, if the mischief grew no worse, then, here too, there would be no trouble but that of the present moment: we cannot tell the past into the tale of unhappiness except in the sense that it has gone to make up an actually existing state- in the sense that, the evil in the sufferer’s condition having been extended over a longer time, the mischief has gained ground. The increase of ill-being then is due to the aggravation of the malady not to the extension of time.

It may be pointed out also that this greater length of time is not a thing existent at any given moment; and surely a “more” is not to be made out by adding to something actually present something that has passed away.

No: true happiness is not vague and fluid: it is an unchanging state.

If there is in this matter any increase besides that of mere time, it is in the sense that a greater happiness is the reward of a higher virtue: this is not counting up to the credit of happiness the years of its continuance; it is simply noting the high-water mark once for all attained.

  1. Es decir, no disgregada en partes sucesivas, como lo está el tiempo. No hace falta enmendar el texto (contra Henry-Schwyzer, t- III, pág. 354).[]