Plotin: la pensée est en succession linéaire

Hadot

Cela suffit-il et pouvons-nous maintenant nous arrêter ? Non, mon âme est encore grosse de pensées, elle l’est même plus que jamais. Peut-être même que maintenant il faut qu’elle enfante ! Car elle a bondi vers Lui et elle est plus que jamais remplie de douleurs. Pourtant il faut encore la charmer, si nous trouvons quelque incantation contre de telles douleurs. L’apaisement pourrait peut-être venir de la répétition même de nos discours : leur charme agit quand ils sont répétés. Quelle nouvelle incantation pourrions-nous trouver ? L’âme a parcouru toutes les vérités, et pourtant, ces vérités auxquelles nous participons, elle les fuit si l’on veut les exprimer et les concevoir. Car la pensée, si elle veut exprimer quelque chose, doit prendre une chose après l’autre : c’est là son « discours ». Mais quel discours est possible, lorsqu’il s’agit de ce qui est absolument simple ? ()


Guthrie

Have we said enough, and can we stop here? Or does our soul still feel the pains of parturition? Let her, therefore, produce (activity), rushing towards the One, driven by the pains that agitate her. No, let us rather seek to calm her by some magic charm, if any remedy therefor exist. But to charm the soul, it may perhaps be sufficient to repeat what we have already said. To what other charm, indeed, would it suffice to have recourse? Rising above all the truths in which we participate, this enchantment evanesces the moment we speak, or even think. For, in order to express something, discursive reason is obliged to go from one thing to another, and successively to run through every element of its object. Now what can be successively scrutinized in that which is absolutely simple? (Tractate 49 (V, 3, 16-17))