Protagoras 317d-319a — O ensinamento de Protagoras

IX. — Quand nous fûmes tous assis, Protagoras prit la parole : A présent, Socrate, que la compagnie est là, tu peux reprendre le sujet dont tu m’as touché un mot tout à l’heure à propos de ce jeune homme.

Je répondis : Je commencerai, Protagoras, comme tout à l’heure, par le but de notre visite. Hippocrate que voici est piqué du désir de se mettre à ton école, et il dit qu’il aimerait savoir quels avantages il retirera de ton commerce. Voilà tout ce que nous avons à te dire.

Protagoras reprit alors : Jeune homme, l’avantage que tu retireras de mon commerce, c’est que, quand tu auras passé un jour avec moi, tu retourneras chez toi meilleur que tu n’étais, le lendemain de même, et chaque jour tu feras des progrès vers le mieux.

Ayant entendu cette déclaration, je repris la parole : Ce que tu dis, Progatoras, n’est pas extraordinaire, c’est naturel au contraire ; car, si âgé et si savant que tu sois, si on t’enseignait ce que tu ne sais pas, tu deviendrais meilleur. Ce n’est pas cela que je te demande. Mais supposons par exemple que changeant tout d’un coup de fantaisie, Hippocrate ait envie de s’attacher à ce jeune homme qui vient d’arriver chez nous, Zeuxippos d’Héraclée, qu’il aille le trouver comme il vient te trouver à présent, et qu’il s’entende dire, comme il vient de l’entendre de ta bouche, que chaque jour, grâce à son commerce, il deviendra meilleur et fera des progrès, et qu’enfin il lui demande : En quoi prétends-tu que je deviendrai meilleur, et en quoi ferai-je des progrès ? Zeuxippos lui répondrait que c’est en peinture. Supposons encore qu’il se soit attaché à Orthagoras de Thèbes et que celui-ci fasse les mêmes promesses que toi ; s’il lui demandait en outre en quoi il deviendrait chaque jour meilleur par sa fréquentation, Orthagoras répondrait que c’est dans l’art de jouer de la flûte. Réponds de même, toi aussi, à ce jeune homme et à moi qui te questionne pour lui. Hippocrate, en s’attachant à Protagoras, dès le jour qu’il aura passé en sa compagnie, s’en retournera meilleur, et chaque jour qui s’écoulera il progressera d’autant, mais en quoi, Protagoras, et sur quoi ?

Après m’avoir entendu, Protagoras répliqua : Tu t’entends à merveille à poser les questions, Socrate, et moi, de mon côté, j’ai plaisir à répondre aux questions bien posées. Hippocrate, en venant à moi, n’aura pas les ennuis qu’il aurait en s’attachant à tout autre sophiste ; les autres sophistes traitent outrageusement les jeunes gens : ils ont beau avoir dit adieu aux arts, les sophistes les y ramènent malgré eux et les y replongent, leur enseignant le calcul, l’astronomie, la géométrie, la musique — et, ce disant, il regardait Hippias ; au contraire, en venant à moi, il n’apprendra que la science pour laquelle il est venu ; cette science est la prudence, qui, dans les affaires domestiques, lui enseignera la meilleure façon de gouverner sa maison, et, dans les affaires de la cité, le mettra le mieux en état d’agir et de parler pour elle.

— Ai-je bien suivi ta pensée ? demandai-je. Tu veux parler sans doute de l’art politique et tu te fais fort de former de bons citoyens.

— C’est cela même, Socrate, dit-il : voilà la science dont je fais profession.