1° A propos de 1, 57, nous avons dit (n. 54 et p. 46-48), que la distinction de trois amours chez Plotin : amour pur, amour mixte, amour dévié, ne coïncide pas avec la classification que Platon (Lois, 837 a-d) propose entre trois types d’amours qui sont : l’amour chaste, qui a l’âme pour objet, l’amour impur, qui ne désire que l’union des corps, et l’amour mixte, qui est le mélange des deux précédents.
Plotin pourtant n’ignore pas ce texte, même s’il l’a complètement transformé et déformé. On peut faire à ce sujet les deux remarques suivantes :
a. Dans sa description de l’amour chaste de l’âme pour une autre âme, Platon n’écarte pas totalement l’attention portée à la beauté corporelle, car il définit cet amour comme voyant (horôn) plutôt que comme désirant (erôn). Il est difficile de concevoir que cet amour qui se contente de voir ne voit pas précisément la beauté corporelle. De ce point de vue, l’amour pur de Plotin, qui se contente lui aussi de voir la beauté corporelle, est lui aussi voyant plutôt que désirant.
b. Ce jeu de mots de Platon (horôn-erôn) peut avoir influencé la théorie plotinienne (3, 13-15) de l’Amour, selon laquelle l’amour naît de la vision et le mot erôs vient du mot horasis. Le véritable amour selon Platon (Lois, 837 c 4) est en effet finalement une vision.
2° A propos des expressions en ousiai et en hupostasei (4, 2 et 7, 42) que nous avons traduites : « avoir un statut de substance, de réalité substantielle », on comparera avec 15 (III, 4), 1, 2 où il est question de l’aisthésis qui est en hupostasei : la « sensation qui a le statut de réalité substantielle », c’est-à-dire l’âme capable de sensation ; et cf. 22 (VI, 4), 9, 40. Tous ces emplois correspondent au sens de einai en : être dans tel ou tel état.