CATON. Vous paraissez, Scipion et Lélius, vous étonner d’une affaire qui n’a rien de compliqué : les gens qui n’ont en eux-mèmes aucune ressource pour vivre bien et avec bonheur [ad bene beateque vivendum] trouvent tout âge pénible ; mais ceux qui recherchent tous les biens en eux-mèmes ne peuvent considérer comme mauvais ce que la nécessité naturelle [naturae necessitas] leur apporte. Dans ce domaine on trouve avant tout la vieillesse, que tout le monde souhaite atteindre mais qu’on rejette quand on y est : beau résultat de l’inconséquence et de l’extravagance de notre faiblesse d’esprit ! Les gens disent qu’elle s’insinue plus vite qu’ils ne l’auraient estimé : mais qui les a forcés à se tromper dans leur estimation ? Comment en effet la vieillesse a-t-elle sournoisement remplacé la jeunesse, plus vite que la jeunesse n’avait remplacé l’enfance ? Et en quoi la vieillesse leur serait-elle moins pénible s’ils vivaient huit cents ans plutôt que quatre-vingts ? Si lentement que se soit écoulé le temps passé, aucune consolation ne pourrait adoucir une vieillesse privée de raison [stultam senectutem].