Mais nous… Qui ? Nous ? Sommes-nous seulement l’homme qui demeure dans l’Esprit1 ou celui qui s’est ajouté à lui et qui est né dans le temps ? Avant notre naissance, nous étions là-bas d’autres hommes… des âmes pures, nous étions Esprit… nous étions des parties du monde spirituel, des parties qui n’en étaient ni séparées ni retranchées. Maintenant encore, nous n’en sommes pas séparés. Seulement maintenant, à cet homme-là s’est ajouté un autre homme qui voulait être et qui nous a trouvés… il s’est joint à cet homme que nous étions alors… Nous sommes alors devenus les deux : nous ne sommes plus seulement celui que nous étions, et parfois, nous sommes seulement celui que nous nous sommes ajoutés, lorsque (30) l’homme spirituel cesse d’agir et cesse, en un certain sens, d’être présent. (VI 4, 14, 16)
(P. Hadot) J’ai traduit habituellement le mot grec noûs par Esprit, et le mot grec noètos par spirituel. Les traducteurs français, et en premier lieu E. Bréhier, traduisent habituellement ces deux mots par Intelligence et intelligible. Je me suis résigné à employer les mots Esprit et spirituel (les traducteurs allemands emploient souvent Geist et geistig), afin d’exprimer du mieux possible le caractère mystique et intuitif de l’Intelligence plotinienne. Voir sur ce sujet, A.-J. Festugière, Personal Religion among the Greeks, Sather Lectures, 1952, Berkeley, 1954, p. 45. ↩