destaque
O tratado 53, portanto, não é tanto composto por duas partes distintas, mas (e esta é sem dúvida a grande dificuldade) por planos sobrepostos que se revelam um após o outro. O comentário escolástico mascara a invenção concetual que, por sua vez, é vista apenas como um instrumento de progresso espiritual. Acrescentemos que estes diferentes níveis de leitura nunca são declarados: o comentário é tecido de polémicas implícitas e de referências mascaradas; se, nos primeiros parágrafos, as aporias se multiplicam, a solução que permite ultrapassá-las não é dada como tal; finalmente, os temas e as questões entrelaçam-se, por vezes abandonados e depois retomados, sem que a sua coerência ou prioridade apareçam desde o início: Assim, os desenvolvimentos mais salientes sobre a união da alma e do corpo ou sobre a natureza da hêmeis misturam-se com uma teoria da sensação, apresentada duas vezes, no § 7 e depois no § 9, uma tese sobre a impecabilidade da alma separada (§ 9, § 12), e uma reflexão sobre a responsabilidade.
original
Le Traité 53, ainsi, n’est pas tant composé de deux parties distinctes que (et c’est là, sans doute, la grande difficulté) de plans superposés qui se dévoilent successivement. Le commentaire scolaire masque l’invention conceptuelle qui, à son tour, ne se donne que comme l’instrument du progrès spirituel. Ajoutons que ces différents niveaux de lecture ne sont jamais déclarés : le commentaire est tramé de polémiques implicites, de références masquées ; si, dans les premiers paragraphes, les apories se multiplient, la solution qui permet de les dépasser n’est pas donnée pour telle ; thèmes et questions, enfin, s’enchevêtrent, sont parfois délaissés puis repris, sans qu’en apparaissent d’emblée la cohérence ni la priorité : c’est ainsi qu’aux développements les plus saillants sur l’union de l’âme et du corps ou sur la nature du hêmeis, se mêlent une théorie de la sensation, exposée à deux reprises, au § 7 puis au § 9, une thèse sur l’impeccabilité de l’âme séparée (§ 9, § 12), ou encore une réflexion sur la responsabilité.
De nouveau, la nécessité qui lie et organise ces variations successives n’est pas immédiatement visible. La véritable unité du traité ne réside pas dans le mouvement de l’argumentation. Sa composition, quasi musicale, faite de variations autour de thèmes majeurs et mineurs, de reprises et d’approfondissements, obéit à une nécessité d’ordre psychagogique, plus que pédagogique. L’unité du traité est celle du progrès éthique et de l’itinéraire spirituel qu’il vise à enclencher et que, simultanément, il décrit. C’est ainsi que la discussion sur l’union de l’âme et du corps n’a pas pour but, seulement, de dévoiler les insuffisances des théories antérieures, mais [18] bien d’inciter le « nous » à se déprendre de ce qui, en lui, est mêlé d’âme et de corps, ou encore à cesser de s’identifier à l’« animal » en lui ; de même, la théorie de la sensation doit « nous » permettre de prendre conscience que les facultés et les opérations mêmes qui paraissent devoir être attribuées à l’animal mettent en jeu l’âme séparée ; sa reprise accompagne le mouvement de négation, par le « nous », de l’animal en lui (la « purification »), et, simultanément, le mouvement d’identification à l’âme séparée ; enfin, le thème de l’impeccabilité de l’âme séparée est une autre façon de souligner la responsabilité du « nous » : c’est de lui, ultimement, que dépend la décision éthique, comprise comme choix de l’identification à ce qui l’excède ou à ce qui l’entrave, à ce qui le fonde ou à ce qui l’affaiblit — au divin ou à l’animal en lui.
Le mouvement qui guide le Traité 53 est donc un mouvement ascensionnel (aussi le texte se clôt-il sur ces mots : « nous montons »). Il se décompose en plusieurs étapes : un mouvement de conversion à l’intériorité, d’abord, dicté par le précepte de Delphes, et qui aboutit à la question réflexive ; un mouvement de purification, ensuite, qui se donne dans un double effort de négation de l’animal et d’identification à l’âme séparée ; enfin, un mouvement d’unification : l’ascension de l’animal au divin est aussi bien passage de la multiplicité du moi immédiat, du désordre des affects, des passions, à l’unité et à la simplicité du soi essentiel.
L’itinéraire du Traité 53 n’est rien d’autre, finalement, que ce passage du moi au soi. Ce que le traité propose à ses lecteurs, ce qu’il « nous » propose, ce n’est pas de découvrir notre identité — car d’identité, nous n’en avons pas —, ce n’est pas de définir notre essence — car l’essence n’est pas le « nous », mais le soi —, c’est de nous identifier à un autre objet que celui avec lequel, spontanément, nous nous confondons. Ce qu’il nous enseigne, c’est que c’est dans le choix et la décision de cette identité que nous sommes véritablement sujet.