Bouillet: Tratado 30,1 (III, 8, 1) — Todas as coisas aspiram à contemplação

[PRÉAMBULE]. Si, badinant avant d’aborder la discussion sérieuse de la question, nous disions que tous les êtres, non-seulement les êtres raisonnables, mais encore les êtres irraisonnables, les végétaux ainsi que la terre qui les engendre, aspirent à la contemplation [à la pensée] et tendent à ce but, que même ils l’atteignent dans la mesure où il leur est donné naturellement de l’atteindre; que, par suite de la différence qui existe entre eux, les uns arrivent véritablement à la contemplation, tandis que les autres n’en ont qu’un reflet et qu’une image, ne regarderait-on pas notre assertion comme un paradoxe insoutenable ? Mais, comme nous discutons entre nous, nous pouvons sans crainte soutenir, en badinant, ce paradoxe. Nous-mêmes, en effet, tout en badinant, ne nous livrons-nous pas en ce moment même à la contemplation ? Et non-seulement nous, mais tous ceux qui badinent, n’en font-ils pas autant et n’aspirent-ils pas à la contemplation ? On pourrait dire que l’enfant qui badine, aussi bien que l’homme qui médite, ont tous deux pour but, l’un quand il badine, l’autre quand il médite, d’arriver à la contemplation ; qu’enfin toute action tend à la contemplation ; qu’elle détourne la contemplation plus ou moins vers les choses extérieures selon qu’elle est accomplie nécessairement ou librement ; qu’en tout cas, elle a toujours la contemplation pour fin dernière. Mais nous traiterons ce sujet plus loin [§ 4-7].

Commençons par expliquer quelle peut être la nature de la contemplation [de la pensée] que nous attribuons à la terre, aux arbres et aux plantes [ainsi que nous l’avons dit plus haut], de quelle manière se ramènent à l’acte de la contemplation les choses que ces êtres produisent et engendrent; comment la Nature, que l’on regarde comme privée de raison et d’imagination, est cependant elle-même capable d’une espèce de contemplation, et produit toutes ses œuvres en vertu de la contemplation, que cependant elle ne possède pas [à proprement parler].

I. La Nature n’a évidemment ni pieds, ni mains, ni aucun instrument naturel ou artificiel. Pour produire, il ne lui faut qu’une matière, sur laquelle elle travaille et à laquelle elle donne une forme. Les œuvres de la Nature excluent toute idée d’opération mécanique : ce n’est pas par voie d’impulsion, ni en employant des leviers et des machines, qu’elle produit les couleurs variées, qu’elle façonne les contours des objets. En effet, les ouvriers mêmes qui fabriquent des figures de cire, et au travail desquels on compare souvent celui de la Nature, ne peuvent donner des couleurs aux objets qu’ils font qu’en les empruntant ailleurs. Il faut d’ailleurs remarquer que ces artisans ont en eux une puissance qui demeure immobile, et en vertu de laquelle seule ils fabriquent leurs ouvrages avec leurs mains. De même, il y a dans la Nature une puissance qui demeure immobile, mais qui agit sans le secours des mains. Cette puissance demeure immobile tout entière : elle n’a pas besoin d’avoir des parties qui demeurent immobiles et d’autres qui se meuvent. C’est la matière seule qui subit le mouvement ; la puissance formatrice n’est mue en aucune manière. Si la puissance formatrice était mue, elle ne serait plus le premier moteur ; le premier moteur lui-même ne serait plus alors la Nature, mais ce qui serait immobile dans l’ensemble. — Sans doute, dira-t-on peut-être, la raison [séminale] reste immobile, mais la Nature est distincte de la raison, et elle est mue.— Si l’on parle de la Nature entière, il faut y comprendre la raison. Si l’on ne considère comme immobile qu’une de ses parties, cette partie sera encore la raison. La Nature doit être une forme (eidos), et non un composé de matière et de forme. Quel besoin pourrait-elle avoir d’une matière qui fût froide ou chaude, puisque la matière, soumise à la forme, ou possède ces qualités, ou les reçoit, ou plutôt subit l’action delà raison avant d’avoir aucune qualité. En effet, ce n’est pas par le feu que la matière devient feu, c’est par la raison. On voit par là que, dans les animaux et les plantes, ce sont les raisons qui produisent, que la Nature est une raison qui produit une autre raison, en donnant quelque chose d’elle-même au sujet soumis à son influence, tout en demeurant en elle-même. La raison qui consiste dans une forme visible (morphe oromene) occupe le dernier rang ; elle est morte et ne produit rien. La raison vivante [qui administre le corps de l’être vivant], étant sœur de la raison qui a produit la forme visible [en engendrant le corps de l’être vivant], et possédant la même puissance que cette raison, produit seule dans l’être engendré.